C’est une victoire sur toute la ligne pour six centres commerciaux qui poursuivent La Baie d’Hudson. La Cour supérieure force le détaillant à reprendre sur-le-champ le paiement entier de son loyer mensuel, alors qu’il proposait d’en verser la moitié.

Et La Baie d’Hudson n’aura pas vraiment le choix de s’exécuter.

Dans six jugements similaires rendus vendredi en début de soirée et obtenus par La Presse, la juge Katheryne A. Desfossés ordonne l’exécution de sa décision « nonobstant appel » et ajoute que la chaîne de magasins perdra le droit de se défendre contre les centres commerciaux si elle n’obtempère pas.

« Nous sommes très contents, a réagi l’avocat de Cominar, François Viau, du cabinet Gowling. Ça démontre qu’on ne peut pas se faire justice soi-même. » Cominar possède trois des six centres commerciaux concernés.

Rappelons brièvement les faits. À partir du 1er avril, La Baie d’Hudson (HBC) a cessé de payer son loyer dans certains centres commerciaux au Canada.

Dans les mois qui ont suivi, le détaillant a été poursuivi par les gestionnaires et les propriétaires des Galeries de la Capitale, des Promenades Gatineau, du Centre Rockland, du Centre Laval, du Mail Champlain et des Jardins Dorval.

Puisque la cause ne sera vraisemblablement pas entendue avant un certain temps, ces centres commerciaux ont demandé au tribunal à être payés en entier dans l’intervalle. Ils ont obtenu gain de cause. « Il est opportun de rendre une ordonnance de sauvegarde enjoignant [à] HBC d’acquitter 100 % du loyer futur dans le présent dossier pour une durée maximale de 6 mois », écrit la juge en rejetant la proposition de La Baie d’Hudson qui était de payer 50 % de ses loyers.

« Nous demandons maintenant à HBC et à ses propriétaires, une société d’investissement privée de New York, d’honorer leurs obligations et de payer le loyer partout au Canada, tout comme des milliers d’autres détaillants continuent à le faire. Ces détaillants, qui font face aux mêmes conditions difficiles liées à la COVID-19, ont travaillé pour respecter leurs obligations tandis que HBC a choisi de s’en laver entièrement les mains », nous a écrit le vice-président aux communications d’Oxford, Daniel O’Donnell (Galeries de la Capitale et Promenades Gatineau).

Loyers mensuels de La Baie d’Hudson

• Galeries de la Capitale : 220 085 $
• Promenades Gatineau : 145 943 $ • Mail Champlain : 110 212 $ • Jardins Dorval : 95 708 $
• Centre Rockland : 86 192 $ • Centre Laval : 20 492 $

Comportement préjudiciable

Comme le résume le Tribunal, le détaillant « reproche essentiellement aux centres commerciaux de ne pas être proactifs dans leur gestion des incidences de la pandémie actuelle ». Ceux-ci ne feraient pas suffisamment d’efforts marketing pour ramener les clients et n’auraient pas amélioré leur système de ventilation. En outre, HBC croit qu’avec la fermeture des aires de restauration rapide, les centres commerciaux ne sont plus de « première classe » comme cela est exigé dans ses baux.

(Re)lisez notre texte portant sur les arguments de HBC

La juge Desfossés estime plutôt qu’il y a une « absence de preuve concrète d’un préjudice réel à la jouissance des lieux loués par HBC ».

Elle ajoute que le comportement de la chaîne de magasins « atténue le poids de son argumentation » puisque ce n’est qu’en septembre que le détaillant a mis les centres commerciaux en demeure de corriger le « prétendu manquement », soit six mois après avoir cessé de payer ses loyers.

Cette conduite « cause à première vue au bailleur un préjudice sérieux ou irréparable », d’autant que La Baie d’Hudson est un « anchor tenant », écrit aussi la magistrate, c’est-à-dire un locataire majeur dont le loyer est important.

A contrario, « HBC ne prétend pas que le paiement du loyer la place dans une situation financière précaire », précisent les jugements.

La Presse a révélé la semaine dernière que le Carrefour Angrignon poursuit également La Baie d’Hudson pour récupérer des mois de loyers impayés.

Pendant ce temps, en Ontario

En Ontario, où le système juridique est différent, la Cour supérieure a récemment ordonné à HBC de payer 50 % des loyers dus depuis avril au centre commercial Hillcrest Mall. La même proportion devra être payée dans les mois à venir, et ce, jusqu’à ce que la cause soit entendue sur le fond. Le gestionnaire Oxford Properties a pour sa part été sommé de ne pas mettre un terme au bail du détaillant et de ne pas agir de façon à l’empêcher d’exploiter son local. Oxford voulait expulser son locataire depuis 47 ans, qui a réagi en déposant une injonction pour l’en empêcher.

(Re)lisez notre texte « La justice ontarienne ordonne à La Baie de payer 50 % de son loyer »