Personne ne l’avait encore vue. La voici. Au milieu des années 1980, Bombardier a conçu une petite voiture, poussant le développement jusqu’aux prototypes, tests et plans d’usine. Il s’en est fallu de peu pour que la Vénus entre en production. À l’heure du retour à la production locale, voici la folle épopée d’une création automobile québécoise, narrée par ceux qui l’ont vécue.

Une microvoiture

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Une voiture sans permis, modèle JDM 49 de 1983

Au début des années 1980, Laurent Beaudoin, président de Bombardier, « a fait un voyage à Paris », raconte Yvon Lafortune, alors président des activités de Bombardier à Valcourt.

« Et là, Laurent a vu de petits véhicules. »

De petites voitures à deux places, dites sans permis.

« Quand il est revenu, il m’a dit : "Yvon, regarde donc ça !" »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Après l’aventure Vénus, Yvon Lafortune sera notamment le président et fondateur de Nova Bus.

Le futur fondateur de Nova Bus est allé rencontrer quelques constructeurs de ces microvoitures, dont certains se sont montrés intéressés par un transfert de technologie.

« Je suis revenu au Canada et je suis allé voir les gens d’Industrie et Commerce à Ottawa. Et là, j’ai eu ma douche d’eau froide. »

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Une voiture sans permis du début des années 1980, modèle JS4 de Ligier

Ces véhicules ne répondront jamais aux Normes de sécurité des véhicules automobiles du Canada (NSVAC), lui apprend-on.

Entre-temps, un représentant torontois du conglomérat japonais Nissho-Iwai, qui fournissait Bombardier en composantes mécaniques, avait eu vent de son intérêt pour les petites voitures.

« Il vient me voir au bureau et il me dit : "Daihatsu serait peut-être intéressé à parler de ça avec vous. " »

PHOTO FOURNIE PAR LAURENT LACASSE

Une réunion de travail avec les représentants de Daihatsu. Jean Parenteau, directeur du projet Vénus, est le deuxième à partir de la droite. À sa droite, Laurent Lacasse, responsable de la planification de la production.

En novembre 1983, il a rencontré les représentants de Daihatsu à Tokyo. « Ils faisaient de belles petites automobiles, mais ce n’était plus des microvoitures. Et j’avais toujours en tête ce que Laurent m’avait dit : "Yvon, dans la vie, il ne faudrait pas qu’on compétitionne avec Honda et avec Boeing." »

Il a néanmoins rapporté à Montréal un protocole d’accord, que Laurent Beaudoin a fait approuver par le conseil d’administration.

« Il m’alloue un petit budget du siège social, il me semble que c’était 5 millions au départ. »

Yvon Lafortune a sassé son réseau et réuni une poignée d’experts dans une ancienne ferme de la famille Bombardier, qui avait été aménagée en petit centre d’études. C’est dans ce lieu isolé, appelé « la grange », que va naître la voiture de Bombardier. Nous sommes en 1984.

Le Japonais

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean Parenteau a notamment été vice-président, Amérique du Nord, chez Beloit Corporation, secteur des pâtes et papiers. Avec l’entreprise de gestion qu’il a fondée, il a également fait du redressement d’entreprises manufacturières.

« Laurent Beaudoin me disait : "Jean, tu es notre Japonais !" »

Le projet commençait à peine quand Jean Parenteau, jusqu’alors directeur des services financiers chez Bombardier, a été nommé à sa tête.

Au fil d’une trentaine de voyages, il apprivoisera la manière nipponne de négocier. Poliment, mais lentement. Très lentement.

Au départ, Bombardier voulait créer son propre véhicule, dans lequel il logerait le moteur et la transmission fournis par Daihatsu.

Graduellement, le principe a évolué vers la possibilité de créer une coentreprise. Ce qu’on suggérait, c’est que les véhicules que Daihatsu voulait vendre en Amérique du Nord pourraient être fabriqués par la coentreprise.

Jean Parenteau

Mais les discussions progressaient à pas de tortue ankylosée, à une époque où les documents se transmettaient par télécopieur, à travers 12 heures de décalage horaire.

Il fallait respecter les voies hiérarchiques et, surtout, surtout, ne pas aborder un sujet qui n’avait pas été préalablement mis à l’ordre du jour. Pour avoir un jour enfreint cette règle, Jean Parenteau verra trois de ses cinq interlocuteurs lui tourner le dos en pleine réunion.

« M. Beaudoin ne comprenait pas pourquoi ça n’allait pas plus vite que ça », se remémore-t-il.

Le président a voulu accompagner Jean Parenteau dans un de ses voyages.

« Ç’a été la panique totale à l’autre bout. L’équivalent de Laurent Beaudoin ne connaissait même pas le nom de Bombardier. »

La visite se fera finalement sans vagues : le président de Daihatsu, Tomonaru Eguchi, « s’était endormi durant la présentation ».

Le design

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Les concepts préliminaires présentés par Jean Labbé, à l’échelle 1 et 1/5

Pour dessiner une nouvelle voiture, il fallait un designer.

Jean Labbé, futur concepteur du métro Azur de Montréal, a été providentiel.

En 1984, il venait de terminer une formation en design automobile au réputé Art Center College of Design de Los Angeles. Il était revenu à Montréal « un vendredi après-midi avec [son] portfolio et 5 $ ».

Un coup de fil au designer principal chez Bombardier, Anselme « Sam » Lapointe, lui apprend que l’entreprise venait tout juste de lancer un projet de petite voiture.

Le lundi suivant, il était engagé.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

À la tête de son bureau, le designer industriel Jean Labbé a connu une brillante carrière dans la conception de véhicules de transport sur rail. Il est le concepteur du métro Azur de Montréal.

« GM m’avait offert d’aller travailler chez Opel. Mais entre dessiner des chapeaux de roues chez Opel et partir d’une page blanche chez Bombardier, pas besoin de te dire ce que j’ai choisi », relate le designer.

« Un projet fantastique ! », s’enthousiasme-t-il encore à 35 ans de distance.

Un projet un peu fantasque, même. Labbé n’avait encore jamais travaillé dans l’industrie automobile. « Je savais comment procéder dans les débuts pour établir un concept, comment le développer, mais pas plus que ça. »

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Jean Labbé et Louis Morasse exécutent un dessin conceptuel à échelle 1.

Avec les dimensions approximatives, l’empattement, la position du moteur, il s’est mis à l’ouvrage. « J’avais rapporté du Art Center toutes les façons de faire des présentations, avec de grands panneaux et des dessins en grandeur réelle. »

Un jeune designer industriel est bientôt venu lui prêter main-forte.

Saine émulation

Fraîchement diplômé, Louis Morasse rêvait de faire du design automobile et venait de faire un stage de six mois en France chez Peugeot.

Il a peaufiné les esquisses extérieures de Labbé et dessiné une première proposition de l’aménagement intérieur.

L’équipe a rapidement compté une demi-douzaine de designers.

On était des jeunes qui sortaient de l’école, avec zéro expérience. On a appris sur le tas. On s’entraidait, c’était génial !

Louis Morasse

« Ah ben tiens, une perspective de roue, il faut la faire comme ça !

– Regarde mon sketch, j’ai pris cette technique-là…

– Ah oui, pas mal ! »

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE MOUNOURY, FOURNIE PAR RENAULT

Louis Morasse est maintenant directeur du design pour les véhicules utilitaires chez Renault. Il se tient à côté du véhicule concept utilitaire EZ-PRO, électrique et autonome.

« C’était une émulation que tu ne retrouves pas dans un studio de design automobile, parce que les designers sont en concurrence. Dans un vrai studio automobile, c’est violent, entre guillemets », constate Louis Morasse, maintenant directeur du design pour les véhicules utilitaires chez Renault.

Des trucs de malade !

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Présentation du concept retenu à l’échelle 1, avec quelques déclinaisons

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Présentation de concepts préliminaires, avec maquettes à l’échelle 1/5

Techniciens et designers se sont attaqués à une première maquette grandeur nature. Ils ont repris la même méthode que pour la carrosserie des motoneiges : des panneaux de bois entrecroisés et recouverts de mastic.

Louis Morasse en garde encore un souvenir amusé. « La cabine d’un Ski-Doo, ce n’est pas une grosse pièce. Mais quand tu fais une auto, que tu utilises du bois et que tu trousses ton côté de caisse en putty, c’est des trucs de malade ! On se nettoyait les bras dans l’acétone jusqu’aux coudes ! »

Malgré tout, ça fonctionnait, reconnaît-il. « Elle devait peser deux tonnes, mais elle était bien. Ça faisait le job et on avait fait l’intérieur de la même façon. »

Il fallait maintenant un modèle roulant.

Premier proto

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Jean Labbé pose fièrement derrière le premier prototype entièrement fonctionnel.

L’ingénieur Yves Fontaine, qui modifiait depuis plusieurs années des voitures de rallye, a été nommé responsable de l’ingénierie du châssis et du prototypage.

« Le grand défi que j’ai eu, c’est de faire un proto qui fonctionnait, et qui était très respectueux du design qu’avait fait l’équipe de Jean Labbé », explique-t-il.

« La difficulté était le manque d’expertise de l’équipe. On était une gang de novices et on essayait de faire une auto. »

Ses dessinateurs ont tracé les plans de chacune des pièces structurales du prototype.

« Il fallait que tout marche ensemble. Je passais le soir avec mes Post-it et j’en mettais plein les tables à dessin. »

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

L’atelier de prototype jouxtant le studio de design

Il a fait venir de France un tôlier-formeur, qui a façonné les pièces à coups de marteau dans la tôle d’acier – une sorte de Michel-Ange du panneau de carrosserie.

« On a fait un peu comme on aurait fait un véhicule expérimental chez soi, dans un petit garage », décrit M. Fontaine, maintenant président de Structurmarine.

La candeur et l’enthousiasme suppléaient au manque d’expérience.

« Entre le cahier des charges du départ et l’objet final, il y a normalement trois ou quatre ans de travail, relève Louis Morasse. En six mois, on a conçu un proto roulant, avec une première exécution ! »

Une bonne bouille !

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Yves Fontaine est maintenant président de Structurmarine, fabricant de quais et structures de marinas.

« Pour faire les essais dynamiques, on a coupé un véhicule japonais pour le raccourcir et lui donner les mêmes positions et centre de gravité », décrit encore Yves Fontaine.

Menés au centre d’essais de Transports Canada à Blainville, les tests ont été concluants.

« Même les ingénieurs japonais étaient un petit peu impressionnés », relate-t-il avec une satisfaction rétrospective.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Le premier prototype en phase d’ajustement des portières

Deux prototypes conformes au design de l’équipe de Labbé ont été assemblés.

Le premier sera réservé aux présentations, le second servira aux essais routiers et en soufflerie.

Jean Labbé en sera soufflé, justement.

Yves Fontaine arrive à mon bureau et il me dit : ‟Jean, le premier prototype est pleinement fonctionnel et c’est à toi de le conduire en premier. » J’ai failli pleurer. Je n’en revenais pas !

Jean Labbé

À l’extérieur l’attendait une petite voiture blanche, à la silhouette frondeuse. « C’est tout un feeling, je peux te le dire, d’embarquer dans quelque chose auquel tu réfléchis depuis des années. »

À trois décennies de distance, il ne désavoue pas le travail de son équipe.

« C’était vraiment joli comme modèle. C’était très avancé au niveau des lignes. C’était extrêmement épuré. »

Louis Morasse donne le mérite à Jean Labbé et au projet Vénus pour son apprentissage du dessin automobile. Ses esquisses lui ont ouvert la porte des constructeurs européens. « Effectivement, la Vénus avait une bonne bouille ! C’était plutôt bien né, quoi ! »

D’où est venu le nom de Vénus ?

Je cherchais un nom. On se promenait en voiture et mon fils, qui est aussi en affaires, sort Vénus. V pour véhicule, E pour économe, N pour nouveau, U pour utilitaire et S pour sécuritaire. Un gars de marketing !

Yvon Lafortune

La fabrication

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Modèle, maquette et premier prototype, côte à côte dans l’atelier

Il faudrait bientôt fabriquer la Vénus.

C’est ici qu’intervient René Allen, nommé responsable de l’ingénierie du projet.

Comme Yvon Lafortune, il avait travaillé chez Kenworth avant de passer à la division logistique de Bombardier.

« Le mandat était de passer à la deuxième étape, de raffiner la conception pour l’industrialisation », dit-il.

Lourde tâche.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Plus tard dans sa carrière, René Allen a contribué à la création de l’autobus à plancher surbaissé LFS chez Nova Bus, où il a été vice-président, gestion et stratégie de produits.

Il faut faire le design des pièces en métal, il faut trouver le procédé de fabrication, il faut s’assurer que ça s’assemble, et il faut connaître la construction automobile. On n’avait pas ce know-how.

René Allen

Pour leur part, les ingénieurs de Daihatsu ne connaissaient pas les normes nord-américaines d’absorption des impacts.

Pour pallier ces faiblesses, le groupe de Valcourt s’est allié à des consultants de Detroit.

Afin de respecter le prix de ce véhicule qui se voulait très abordable – « c’était la clé de son succès » –, chaque pièce dessinée devait respecter de sévères critères de poids et de coût.

« Il faut donc travailler avec des fournisseurs, revenir avec leur estimation du coût de production… Ça ne marche pas ? On recommence ! »

L’usine

Courant 1986, une centaine de personnes s’activaient maintenant dans la grange.

Parmi eux, une équipe planifiait l’agrandissement de l’usine de Valcourt. Deux modèles de Daihatsu devaient y être assemblés avant la Vénus : une voiture quatre places à hayon, la Charade, et un petit tout-terrain à deux portes, le Rocky.

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

La petite Diahatsu Charade dans sa version cinq portes, vers 1985

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Le petit tout-terrain Daihatsu Rocky, au milieu des années 1980

« Ma responsabilité était d’établir la longueur de la chaîne d’assemblage, l’argent nécessaire pour acheter l’outillage, combien de personnel on avait besoin, comment on lançait tranquillement la production en formant ces gens-là », décrit Laurent Lacasse, qui avait été directeur à la production de l’usine GM de Boisbriand.

Maintenant à la retraite, il a conservé chez lui le plan d’agrandissement de l’usine. On y discerne l’emplacement des futures presses d’estampage, la salle de soudure, la chaîne d’assemblage, la salle de peinture, la zone d’inspection.

« Seulement une salle de peinture, ça vaut 460 millions, précise-t-il. Elle était dessinée pour accepter 100 000 véhicules par année, dont la Vénus. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Après sa carrière chez Bombardier, Laurent Lacasse achètera un dépanneur dans le secteur de Beauport, à Québec.

Sur un autre dessin s’étale le calendrier de mise en production du petit tout-terrain Rocky.

« Tu as la capitalisation, en millions de dollars. Tu as la journée où il fallait commencer à modifier les bâtiments, et celle où on devait commencer à former des employés pour la chaîne d’assemblage, énumère-t-il. Tout est là-dessus. »

Sur le vaste document daté d’août 1986, un trait s’élève au mois d’octobre 1988 : lancement de la production. « On pesait sur le piton. »

Selon l’échéancier, qui sera plus tard amendé, 870 Rocky devaient être construits avant la fin de l’année 1988. L’année suivante, l’usine devait en produire 5220. Et jusqu’à 20 500 en 1992.

C’était ambitieux. Voire irréaliste.

« Ce qu’on croyait tous, c’est qu’on allait arriver à un point où Daihatsu allait vraiment embarquer, souligne René Allen. Et là, leur input allait nous permettre de finir notre mise en production. »

La fin

PHOTO FOURNIE PAR JEAN LABBÉ

Premier prototype fonctionnel, vue 3/4 arrière

Mais comment la Vénus serait-elle mise en marché ?

« Notre objectif était de la vendre en bas de 5000 $, pour que les gens puissent la mettre sur une carte de crédit », évoque Yvon Lafortune.

Il a rapidement pris conscience que le réseau de concessionnaires Ski-Doo ne serait pas à la hauteur.

« C’était tous des moms and pops dans ce temps-là, souvent répartis à la campagne. Ce n’était pas vraiment pour eux. »

Une idée a surgi : pourquoi ne pas installer de petites salles d’exposition dans certains magasins Canadian Tire ?

« Ils avaient des garages, ils pouvaient faire de la maintenance, ils étaient ouverts le samedi. Et aux États-Unis, on pensait à Sears, qui avait aussi des endroits pour faire de l’entretien. »

Les deux chaînes ont montré de l’intérêt.

Mais hélas, le projet était à court de carburant.

Le yen fait mal

L’équipe de Bombardier avait eu une surprise.

« Daihatsu ne nous avait pas dit qu’ils avaient créé une entité sur papier, Daihatsu of America », relate Jean Parenteau.

Enhardi par leur projet commun, le constructeur japonais s’était décidé à exporter aux États-Unis, sous sa marque, les deux modèles que la coentreprise s’apprêtait à construire.

Pour s’extraire de l’impasse, Bombardier et Daihatsu ont négocié un étrange partage du marché nord-américain. « On a imaginé que le Mississippi serait la ligne de démarcation, résume Parenteau. C’était d’une complexité extraordinaire. Ça ne nous a pas aidés. »

Par ailleurs, en 1986, le gouvernement Mulroney avait proposé à Laurent Beaudoin de racheter Canadair, une aventure qui allait disputer les fonds au projet automobile.

Pour tourner le problème, Bombardier a fait une nouvelle proposition à Daihatsu.

On a présenté un projet où Bombardier mettait tous les actifs des produits récréatifs de Valcourt dans une nouvelle compagnie dans laquelle les Japonais investissaient. On conservait le contrôle, avec 51 %.

Yvon Lafortune

Mais il y avait de l’huile sur la piste.

Entre la fin de 1983 et l’été 1987, le dollar canadien était passé de 190 yens à 110 yens.

« Le yen nous a vraiment jetés à terre », s’exclame-t-il.

Seul un engagement ferme et accéléré de Daihatsu pouvait sauver la mise.

« Au mois de juin 1987, je me suis ramassé au Japon avec une lettre que M. Beaudoin m’avait remise, raconte Jean Parenteau. Il y avait trois questions. Laurent m’avait dit : si tu n’as pas trois oui, le projet est mort. »

Pour ses interlocuteurs japonais, « c’était une catastrophe. Ils ne voulaient pas que le projet s’arrête. Pour eux, on bousculait les étapes. »

L’acte final s’est déroulé dans la salle de conférence de Laurent Beaudoin.

« Il m’a regardé : ‟Est-ce qu’on a un partner à l’autre bout ?” J’ai répondu : ‟Si on avait la même patience que ces gens-là, oui, on aurait un partner, mais considérant la différence d’anticipation dans le projet, je crois que nous n’aurons pas cette tolérance.” »

Vénus avait vécu.

Épilogue

En 1988, Daihatsu a tout de même tenté d’introduire ses modèles Charade et Rocky aux États-Unis. En 1992, après des pertes de 14 millions US essuyées cette année-là, la société pliait bagage. En cinq ans, elle avait vendu 43 400 Charade et 7400 Rocky.