(Washington) Aux États-Unis, milieux d’affaires et financiers attendent avec inquiétude l’après-soirée électorale, craignant une incertitude prolongée ou un résultat étroit qui pourrait déclencher émeutes et violences.

« Je suis inquiet du risque de troubles civils dans tout le pays, alors que notre nation est si divisée et que les résultats électoraux prendront potentiellement des jours ou des semaines à être finalisés », a déclaré le patron de Facebook Mark Zuckerberg.

Pour le réseau social, l’élection est un test alors qu’il est contraint de prouver avoir vraiment tiré les leçons de 2016, quand des campagnes de désinformation massives, dont certaines pilotées depuis la Russie, s’étaient servi des réseaux pour diffuser leur propagande.

Les entreprises s’efforcent également de maintenir l’apparence d’une neutralité politique, mais elles renforcent la sécurité et surveillent tout affrontement entre employés aux opinions politiques divergentes.

« C’est une élection difficile pour de nombreuses entreprises », a déclaré à l’AFP Allison Wood, codirectrice de Control Risks. Ce cabinet de conseil en risques commerciaux a constaté une augmentation des demandes de sécurité supplémentaire, tant armées que non armées.

Angoisse

Allied Universal, une autre grande firme de sécurité, ploie sous les demandes de services, que ce soit des gardes armés, de la protection rapprochée de dirigeants, d’hôpitaux, d’agences gouvernementales et même de la collecte de renseignements.

« Vu la possibilité de manifestations nombreuses qui pourraient tourner à la violence, avec des dégâts, beaucoup d’entrepreneurs font appel à des gardes privés », explique Josha Skule, un des dirigeants.

Dans un rare message commun, les organisations patronales et fédérations industrielles ont aussi montré leur préoccupation.

Alors que des dizaines de millions d’Américains ont voté par correspondance, « il faudra peut-être des jours, voire des semaines, avant que le résultat ne soit confirmé », ont écrit ces organisations, dont la Chambre américaine du Commerce et la Business Roundtable, regroupant les plus grandes entreprises du pays.

« Nous exhortons tous les Américains à soutenir le processus défini par les lois et à rester confiants dans la longue tradition d’élections pacifiques et équitables de notre pays », ajoutent-elles.

Les États-Unis ne sont pas habitués à des débordements lors des scrutins électoraux, qui se déroulent en général dans le calme.

Mais entre les discours menaçants des groupuscules d’extrême droite dans certains États, l’agitation dans la rue contre les violences policières, les impopulaires restrictions sanitaires face à la COVID-19 et l’huile sur le feu distillée par le président Donald Trump, notamment sur le vote par correspondance, l’angoisse est tangible.

Alors que les ventes d’armes ont explosé de 75 %, avec 2,7 millions d’achats en juin contre 1,5 million mensuel pendant la campagne de 2016, même certains vendeurs d’armes mettent la pédale douce.

Le géant de la distribution Walmart a opéré une valse-hésitation remarquée lorsqu’il a retiré provisoirement la semaine dernière les armes de ses rayons « par mesure de précaution pour la sécurité des usagers ». L’enseigne d’hypermarchés est ensuite partiellement revenue sur sa décision.

Tiffany coffré

Même Wall Street, ultra-volatile, est inquiète d’une possible agitation sociale. « Quand on voit Walmart retirer ses armes des magasins, il y a une crainte que l’incertitude ne tourne en quelque chose de plus dévastateur », reconnaît Maris Ogg, de Tower Bridge Advisors.  

« Tout le monde n’a pas cela à l’esprit, mais j’ai des clients qui m’appellent pour se demander ce que l’on fait si Trump perd et ne veut pas quitter ses fonctions ou ce genre de choses ? », dit cette gestionnaire de portefeuille.

Image de la crainte palpable des commerces sur de possibles dérapages après le scrutin, cafés Starbucks, sandwicheries Subway, drugstores CVS de la capitale Washington se sont calfeutrés derrière des planches de contreplaqué comme pour se protéger d’un ouragan. Les devantures du quartier commercial de San Francisco sont placardées elles aussi à 75 %, selon le journal local San Francisco Chronicle.

À New York, les enseignes de luxe ont tiré le rideau… de contreplaqué, à l’instar de Fendi, Montblanc, Céline, Hermes, Chanel ou encore Saks.

La célèbre devanture du joailler de luxe Tiffany s’est claquemurée avec prudence. « Même si on a l’intention de rester ouvert quand cela est possible, par mesure de précaution, les vitrines de certains magasins seront placardées en prévision de potentielles agitations liées aux élections », a indiqué à l’AFP un porte-parole du célèbre bijoutier.