« Je ne suis pas venue au monde avec la confiance que j’ai aujourd’hui. Pour développer sa confiance, il faut accepter de faire des choses qu’on n’a jamais faites. Comme femme, il faut être prête à se lancer et se montrer aventureuse. Ce n’est peut-être plus aussi difficile que c’était, mais il reste plus difficile pour une femme de parvenir au sommet. »

Christiane Germain s’exprime ainsi dans le rapport 2020 de la Banque Nationale sur les entreprises canadiennes à contrôle familial. La coprésidente du Groupe Germain est l’une des neuf femmes d’affaires interviewées pour la rédaction du rapport publié vendredi.

« Dans le contexte particulier de la pandémie, on trouvait important cette année de pousser le côté humain. On voulait entendre des dirigeants d’entreprise à contrôle familial parler des raisons derrière leur succès. On ne voulait pas faire un rapport exclusivement sur le rôle des femmes, mais on a voulu savoir comment elles sont parvenues à devenir PDG », commente Vincent Joli-Cœur, vice-président du conseil, marchés financiers à la Banque Nationale.

À notre grande surprise, sur les 38 compagnies qui composent cette année notre indice des entreprises canadiennes à contrôle familial, 13 % sont dirigées par une femme PDG ou une femme présidente du conseil, par rapport à 5 % pour le reste des entreprises à la Bourse de Toronto.

Vincent Joli-Cœur, vice-président du conseil, marchés financiers à la Banque Nationale

Pour l’appuyer dans la réalisation des entrevues au cœur du rapport, la Banque Nationale a fait appel au professeur Karl Moore, de l’Université McGill.

« Durant la pandémie, Christiane Germain a fait une tournée pancanadienne des hôtels du Groupe Germain en compagnie de sa petite-fille de 9 ans. Des employés en congé ont tenu à être sur place pour la rencontrer et rencontrer sa petite-fille parce qu’ils savaient que cette jeune fille pourrait un jour devenir PDG. Christiane Germain voulait lui montrer les hôtels, mais aussi la présenter à des gens qui, un jour, pourraient bien travailler sous sa direction », raconte Karl Moore.

« C’est cette vision à long terme que la famille apporte à une entreprise », ajoute le professeur.

Alain Bellemare savait qu’il n’était PDG de Bombardier que pour quelques années. Christiane Germain pense à long terme. De façon générale, le PDG d’une entreprise à contrôle familial peut souvent prendre de meilleures décisions.

Karl Moore, professeur à l’Université McGill

Outre Christiane Germain, Julie Godin (CGI) et Madeleine Paquin (Logistec) sont les autres leaders québécoises dont les propos ont été recueillis pour le rapport.

« Ces femmes pensent à la relève, aux futurs leaders de l’entreprise. Elles pensent à un processus inclusif pour l’élaboration de stratégies et de politiques. Elles ont un style qui encourage le dialogue et les débats », dit Stéphanie Larivière, directrice générale et cochef, ventes institutionnelles, revenu fixe, devises et commodités, à la Banque Nationale. « Sans exception, ce sont des thèmes soulevés naturellement au fil des discussions. Ce n’est pas un hasard si les neuf femmes interrogées parlent de la même chose. »

D’abord dans la cuisine

Un élément ayant frappé Karl Moore au fil des entrevues est que c’est le père qui était le patron, mais que la mère était tout aussi importante. « Une entreprise familiale, ça commence dans la cuisine. Littéralement. La mère est tout aussi importante que le père. Véritablement, le père et la mère sont des co-PDG au lancement d’une entreprise. Le père était autrefois à l’avant-plan en raison des valeurs sociales. Mais au fur et à mesure que la société a changé, de plus en plus, les femmes deviennent PDG. Mais elles ont toujours joué un rôle important. »

Le professeur souligne aussi que les enfants de hauts dirigeants apprennent beaucoup de choses sur le monde des affaires en accompagnant leurs parents sur les lieux de travail ou dans des évènements connexes à différents moments de leur jeunesse.

La Banque Nationale estime que les sociétés canadiennes à contrôle familial représentent environ 20 % de la capitalisation boursière de la Bourse de Toronto.

La performance année après année de ces entreprises est nettement supérieure à celle des autres.

Vincent Joli-Cœur, vice-président du conseil, marchés financiers à la Banque Nationale

De juin 2005 à juin 2020, l’indice des entreprises canadiennes à contrôle familial de la Banque Nationale a généré un rendement annuel moyen de 7,1 % contre 6 % pour le principal indice de la Bourse de Toronto.

Sur les 38 entreprises canadiennes qui composent l’indice, neuf sont du Québec : Couche-Tard, BRP, Cascades, CGI, Cogeco Communications, Lightspeed, Power Corporation, Québecor et Saputo.

Un des critères pour faire partie de l’indice est d’avoir une capitalisation boursière d’au moins 1 milliard. La pandémie ayant touché durement plusieurs secteurs, MTY, Transcontinental et Bombardier sont trois entreprises québécoises qui ne font plus partie de l’indice.