Encore sous le choc, les propriétaires de restaurants et de bars considèrent l’aide de Québec, qui remboursera 80 % de leurs frais fixes jusqu’à hauteur de 15 000 $ pour le mois d’octobre, comme un « sérieux coup de pouce ». Cette contribution ne sauvera toutefois pas tout le monde et n’empêchera pas la fermeture d’un grand nombre d’établissements au cours de la prochaine année, soutiennent-ils.

« Même avec 20 % des frais fixes à payer, on est conscients qu’il va y avoir des fermetures, affirme Pierre Thibault, président fondateur de la Nouvelle Association des bars du Québec (NABQ), qui compte 200 membres. Dans un monde idéal, on aurait aimé avoir 100 % des remboursements parce que c’est eux [le gouvernement] qui viennent de nous obliger à fermer. On va vivre, selon moi, la première vague de fermetures de restaurants et de bars que l’on projetait depuis longtemps. »

Selon François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec (ARQ), les différents programmes gouvernementaux doivent être maintenus le plus longtemps possible pour éviter « l’hécatombe ». « Il y a eu 900 faillites de restaurants au Québec en 1992 alors que les ventes avaient diminué de 18 %, rappelle-t-il. Là, on est à 34 % de baisse présentement. »

« Je suis convaincu qu’au cours de la prochaine année, il va y avoir probablement plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de restaurants qui vont avoir fermé leurs portes. »

Rappelons que le gouvernement Legault a ordonné la fermeture des bars et des restaurants situés en zone rouge (Montréal, Québec et Chaudière-Appalaches) jusqu’au 28 octobre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Martin Juneau, chef du Pastaga

Ils ont brisé le pot et ils le réparent par la suite. La vérité, c’est que ça laisse des traces. Nous, on se trouve à être un peu amochés.

Martin Juneau, chef du Pastaga

Malgré tout, la plupart des acteurs de l’industrie reconnaissaient que cette aide, annoncée jeudi par le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, serait la bienvenue. « C’est sûr que ça nous donne un répit, convient Martin Juneau. Ça nous donne le temps de prendre une belle respiration et de nous relancer dans les plats à emporter. »

« Il y a un gros effort qui a été fait par Québec, admet également Pierre Thibault. On apprécie que le gouvernement ait été très proactif. Les gens qui se posaient la question de savoir s’ils pouvaient continuer, ils sont fixés et peuvent prendre la décision. Quand on s’endette à partir du mois de mars et qu’on n’arrête plus de s’endetter, une fois rendu au mois d’octobre, le 20 % d’endettement supplémentaire peut être difficile à payer », dit-il en ajoutant du même coup que certains bars et restaurants paient jusqu’à 50 000 $ de loyer à Montréal.

« On ne pense pas qu’on pourra sauver tout le monde, concède François Meunier. Mais ça va donner un sérieux coup de pouce. C’est quand même un programme généreux, d’autant plus qu’il est prolongeable. »

Le statu quo

Plusieurs restaurateurs interrogés sont d’avis que l’aide de Québec les aidera à passer à travers ce mois d’incertitude. « Pour maintenir le statu quo, ça va aider, affirme François Nadon, copropriétaire du Bouillon Bilk et du Cadet, deux restaurants situés au centre-ville de Montréal. C’est quand même assez intéressant », dit-il, ajoutant que la santé financière de ses deux établissements est plutôt bonne. Seule ombre au tableau : sa partenaire d’affaires et lui doivent remettre sans cesse l’ouverture d’un troisième restaurant qui était d’abord prévue pour le printemps dernier et ensuite l’automne. Reste maintenant à voir s’ils pourront concrétiser leur projet d’ici la fin de l’année.

À Québec, Thania Goyette, copropriétaire du Pied bleu et du Renard et la Chouette, a affirmé sans détour qu’elle allait « prendre ce que le gouvernement donnera ». « Après, on va s’arranger. » Elle souligne que leur production de charcuterie, que l’on retrouve dans trois points de vente, les aidera à se maintenir à flot.

Jean Bédard, président de Sportscène, groupe qui gère La Cage–Brasserie sportive, a été contraint de fermer 20 restaurants. Il accueille avec satisfaction l’aide de Québec.

Les gens reconnaissent l’importance de la restauration. Je ne pense pas qu’on va nous garder fermés pour rien.

Jean Bédard, président de Sportscène

Les mesures ont été également bien reçues par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).

David McMillan, propriétaire du célèbre Joe Beef, ne partage toutefois pas le même optimisme. « C’est vraiment minime, [ce qu’on a reçu]. On est devenus des mendiants. On va prendre ce que les gens nous donnent. »

Les mesures en quelques lignes

Près de 100 millions en argent

Québec crée un nouveau programme d’aide aux quelque 12 000 entreprises qui devront fermer leurs portes parce qu’elles sont situées en zone rouge. Pour le mois d’octobre, Québec remboursera 80 % de leurs loyers, de leurs taxes et d’autres frais fixes, jusqu’à concurrence de 15 000 $. Ce programme coûtera à Québec près de 100 millions pour le mois d’octobre, a estimé le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

Une aide pour passer à travers du mois

Le ministre Fitzgibbon a annoncé la création d’un nouveau volet du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE) et du Programme d’Aide d’urgence pour les petites et moyennes entreprises (PAUPME) pour permettre « aux entreprises visées par des ordres de fermeture qui subiront des pertes de revenus d’obtenir une aide non remboursable pour payer leurs frais fixes ». Les frais admissibles comprennent « les taxes municipales et scolaires, le loyer, les intérêts payés sur les prêts hypothécaires […] l’électricité et le gaz, les assurances, les frais de télécommunications et les permis et frais d’association », a indiqué le ministre.

Une remise allant jusqu’à 15 000 $

Les entreprises « vont pouvoir obtenir une remise sur leurs prêts qui pourrait aller jusqu’à 15 000 $ pour le mois d’octobre, a expliqué Pierre Fitzgibbon. Ce pardon permettra de compenser certains frais fixes que ces entreprises doivent continuer de supporter, même si elles ont dû arrêter leurs opérations ».

Dans la zone rouge

Ces nouvelles mesures d’aide seront accessibles à toutes les entreprises visées par des fermetures totales ou partielles dans les zones rouges décrétées par le gouvernement, qui se limitent pour l’instant au Grand Montréal, ainsi qu’à une partie des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Le ministre Fitzgibbon a rappelé jeudi que certaines entreprises doivent fermer pour 28 jours afin d’« éviter un retour à un confinement plus généralisé ». « Tous les restaurants en zone rouge sont admissibles, même ceux qui exploitent des services de livraison ou de commandes à emporter. »