Vidéotron en a ras le bol de ne pas avoir accès assez rapidement aux poteaux de téléphone de Bell pour bâtir son réseau internet haute vitesse dans certaines régions du Québec.

Vidéotron demande au Bureau de la concurrence du Canada de faire enquête sur les pratiques de Bell pour partager ses poteaux. Vidéotron, qui qualifie ces pratiques de « tactiques déloyales » et « d’obstruction illégitime », a aussi déposé mercredi une poursuite civile de 12,7 millions de dollars contre Bell pour compenser ses pertes subies au cours des dernières années. Bell réfute les allégations de Vidéotron.

« Les manœuvres anticoncurrentielles de Bell doivent cesser. C’est pourquoi nous demandons au Bureau de la concurrence de prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre un terme. Les Québécois ont droit à une concurrence saine et à des services de télécommunication de qualité. Tous sont injustement pénalisés lorsque Bell bloque l’accès à d’autres opérateurs dans leur région, leur municipalité ou leur quartier. C’est tout simplement inacceptable », a indiqué Jean‑François Pruneau, président et chef de la direction de Vidéotron, par voie de communiqué.

Pourquoi l’accès aux 2,7 millions de traditionnels poteaux de téléphone au Québec est aussi important pour les entreprises de télécoms ? Dans les quartiers existants, la fibre optique sur l’internet haute vitesse doit passer par les poteaux de téléphone, qui sont la propriété de Hydro-Québec (61 %), Bell (25 %), Telus et Télébec. Il faut obtenir un permis du propriétaire des poteaux avant d’y avoir accès. Sans accès aux poteaux, impossible d’offrir internet à haute vitesse dans certaines régions du Québec.

Bell conteste les allégations de Vidéotron. « Les poteaux sont la propriété d’entreprises de communication, parfois utilisées conjointement, ainsi que d’Hydro-Québec. Un processus strict de réglementation et d’autorisation du CRTC doit être suivi, mais Bell, Telus et Hydro-Québec font partie d’un groupe de travail avec le gouvernement du Québec qui vise à assurer un accès plus rapide aux poteaux pour tous les fournisseurs de services tout en respectant toutes les normes de sécurité. Loin de ralentir le déploiement de réseaux au Québec, Bell ouvre la voie avec ses propres investissements, tout en améliorant l'accès à notre infrastructure pour d'autres fournisseurs de services », a indiqué Bell par courriel.

L’entreprise appartenant à Québecor allègue que Bell « retarde ou néglige systématiquement de traiter les demandes d’accès aux [poteaux] » et crée « souvent des embûches artificielles aux déploiements des réseaux concurrents, tout en déployant le sien en priorité », ajoutant qu’une demande de Vidéotron pour avoir accès un poteau de Bell peut prendre jusqu’à « deux ans et demi à être traitée », un délai « complètement déraisonnable ». « En agissant de la sorte, Bell ralentit le développement et la mise à niveau d’Internet dans toutes les régions du Québec », indique Vidéotron par voie de communiqué.

Vidéotron n’est pas la seule entreprise de télécoms à se plaindre des longs délais pour avoir accès aux poteaux, notamment ceux de Bell. Cogeco aimerait aussi avoir un accès plus rapide aux poteaux. « Les poteaux, c’est un grand problème, dit Philippe Jetté, président et chef de la direction de Cogeco. Il y a beaucoup de difficultés, on voudrait que ça aille vite. La réalité, c’est que ça prend beaucoup de coordination avec des parties privées, des parties publiques, des parties parapubliques. Plus il y a des gens, plus c’est long. » Et l’attitude de Bell dans ce dossier ? « Bell a son intérêt à cœur et peu celui de ses concurrents », dit M. Jetté.

Contrairement à Vidéotron, Cogeco n’a pas demandé d’enquête au Bureau de la concurrence ni poursuivi Bell au civil dans ce dossier. Cogeco « salue » toutefois « l'initiative de Vidéotron dans le cadre de la plainte au Bureau de la concurrence». Cogeco dit être « active sur plusieurs fronts » dans ce dossier, notamment en proposant des solutions au gouvernement du Québec et au CRTC ainsi qu'en mettant en place un comité de différends entre Bell et Cogeco afin de discuter des cas prioritaires. « Notre priorité est d'accélérer le déploiement de notre infrastructure dans les régions mal et non desservies», indique Cogeco par courriel.