Le promoteur immobilier Quartier One West s’adresse au tribunal pour rendre inopérant le règlement sur la redevance du Réseau express métropolitain (REM) à l’encontre du terrain qu’il possède à Pointe-Claire, sur lequel il prévoit ériger des maisons en rangée.

Le plaignant fait valoir que le règlement aurait dû tenir compte des obstacles physiques comme la présence d’autoroutes pour déterminer les lots assujettis à la redevance.

S’il obtient gain de cause, de nombreux propriétaires fonciers pourraient demander à leur tour pareille exemption, notamment ceux de l’antenne de l’Ouest-de-l’Île du REM dont le tracé longe l’autoroute Métropolitaine.

Le lot au cœur du présent litige est situé à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau de la station REM du Centre Fairview–Pointe-Claire, mais la présence de l’autoroute Métropolitaine fait en sorte qu’il faut faire un détour de 2,5 km, soit plus de 30 minutes à pied, pour se rendre du lot à la gare de train.

Quartier One West demande à la Cour le remboursement de la redevance de 318 170 $ qu’il a dû payer, plus les intérêts, par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et Pointe-Claire

Le terrain en question, au coin du boulevard Hymus et de la rue Alston, apparaît dans la liste des lots assujettis à la redevance pour tout ajout de mètre carré de plancher. Le règlement prévoit une mise en vigueur progressive de la redevance jusqu’en 2021. En 2020, la redevance s’élève à 88,80 $ le mètre carré, soit 80 % de la redevance complète de 111 $.

Deux conditions doivent être remplies pour que la redevance s’applique. La valeur des travaux doit excéder 782 308 $ et la superficie de plancher doit égaler ou excéder 186 mètres carrés, ou 2000 pieds carrés.

Le règlement provincial sur les redevances du REM est entré en vigueur le 1er mai 2018. La redevance a pour objectif de payer une partie des frais d’exploitation du REM. Le règlement permet d’amasser jusqu’à un maximum de 600 millions, sur 50 ans.

Distance de marche

La logique derrière cette histoire de redevances est que les propriétés situées à 1 km ou moins d’une station du REM profitent d’une plus-value foncière découlant directement de la proximité à un réseau de transports collectifs structurant.

« Il appert des connaissances scientifiques qu’une infrastructure comme une station du REM génère une plus-value pour les immeubles situés à une distance de marche de celui-ci [environ 800 mètres ou dix minutes de marche] », est-il allégué dans la requête préparée par MAxel Fournier, de Prévost Fortin D’Aoust, de Saint-Jérôme.

La demanderesse s’appuie sur un rapport du professeur Jean Dubé de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD), de la faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design de l’Université Laval.

Mais « la présence de contraintes urbaines ou naturelles s’avère un facteur incontournable » pour déterminer la portée spatiale des impacts de l’amélioration du transport en commun sur les valeurs résidentielles, soutient la demanderesse, toujours sur la base du rapport du professeur Dubé.

Or, à partir du terrain en question, le « temps pour rejoindre la station [Fairview–Pointe-Claire] s’avère largement supérieur à ce qui est identifié dans la littérature » comme étant un temps susceptible d’avoir un impact sur les valeurs immobilières, indique-t-on.

Le règlement prévoit des exceptions quand la barrière physique est un cours d’eau, mais pas pour les autoroutes, confirme l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans un courriel.

Pour un acheteur d’une maison de ville dans le projet de la demanderesse, cela représente une charge de plus de 15 000 $. Il s’agit d’une somme déraisonnablement élevée pour un service situé à une trentaine de minutes de marche de leur maison.

Extrait de la requête du promoteur Quartier One West

« En assujettissant le Terrain à une Redevance REM, au même taux qu’un immeuble situé à 200 mètres de marche de la station, avance la demanderesse, le Règlement vient imposer indirectement une charge disproportionnée à des acheteurs d’unités d’habitation qui devront traverser une autoroute et marcher 30 minutes pour atteindre la station Fairview–Pointe-Claire. »

Pas de redevance, pas de permis

Qui plus est, dans cette affaire, le promoteur a subdivisé une partie du terrain en 14 lots pour y bâtir sur chacun une maison en rangée. Il soutient que, prise individuellement, chacune des maisons est exemptée de la redevance puisque le montant des travaux reste inférieur au seuil de 782 308 $ à partir duquel la redevance s’applique.

Or, la Ville de Pointe-Claire a refusé de délivrer le permis de construction tant que le promoteur ne payait pas la redevance.

« Le ou vers le 14 avril 2020, à la demande de la défenderesse Ville de Pointe-Claire, qui refusait l’émission d’un permis de construction, la demanderesse a dû remplir un formulaire visant à déterminer la contribution payable pour les maisons de ville qu’elle souhaitait construire, lit-on dans la requête.

« À ce titre, la demanderesse a dû payer sous protêt à la défenderesse Ville de Pointe-Claire la somme de 318 170,40 $ à titre de Redevance REM et ce, bien que cette somme ne soit pas exigible en vertu du Règlement. »

Le demandeur allègue également que la redevance constitue une taxe indirecte, pouvoir exclusif du fédéral selon la Constitution, et que le règlement constitue un exercice « déraisonnable du pouvoir habilitant et incombant au ministère du Transport et à l’ARTM ».

L’ARTM et la Ville de Pointe-Claire n’ont pas voulu commenter le cas.

— Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse