En plus de priver Hydro-Québec de « plusieurs centaines millions de dollars », la COVID-19 fait piétiner ses échanges avec la Ville de New York à propos d’un important projet d’interconnexion qui lui permettrait de stimuler ses exportations au sud de la frontière.

La société d’État avait déjà signalé, le mois dernier, qu’elle ne serait pas en mesure de générer un profit net de 2,9 milliards — une somme versée dans les coffres de l’État — comme il était indiqué dans son plan stratégique 2020-2024. Lundi, sa présidente-directrice générale, Sophie Brochu, a fait un pas de plus.

« Ça frappe, ça fesse fort, a-t-elle lancé, dans le cadre d’une conférence virtuelle organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. (Du début de la pandémie) jusqu’en juin, c’est déjà 130 millions de moins (sur les ventes au Québec). »

En poste depuis le 6 avril dernier, l’ex-patronne d’Énergir a abordé une multitude de dossiers dans le cadre de l’évènement, dont celui de la présence des minorités visibles et ethniques au sein de la société d’État. Sur cet aspect, elle a promis des améliorations en matière de diversité, notamment en ce qui a trait à la composition de sa table du comité de direction, qui est « très blanche ».

Invitée à préciser l’impact qu’aura la crise sanitaire sur les profits d’Hydro-Québec en marge de la conférence, Mme Brochu n’a pas offert plus de précisions, expliquant qu’il fallait attendre de voir à quel rythme redémarrera l’économie.

« On va avoir une meilleure idée au cours des deux prochains mois, a-t-elle dit. En s’approchant de l’automne, nous allons avoir une meilleure (idée). »

Une chose est toutefois certaine : il n’est pas question, du moins pour le moment, de radier les sommes dues par les clients commerciaux et industriels qui se disent incapables d’acquitter leur facture, a dit Mme Brochu. La COVID-19 « a le dos large », ce qui fait en sorte que « certaines personnes » croient qu’elles sont dans une position où elles peuvent « demander des choses », a-t-elle ajouté.

Pour le moment, la société d’État se dit ouverte à l’idée d’étaler les paiements de ses clients commerciaux et industriels.

De la patience

Par ailleurs, même si le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, a récemment plaidé en faveur d’une interconnexion permettant d’alimenter le sud de l’État en hydroélectricité depuis le Canada, la pandémie vient mettre des bâtons dans les roues d’Hydro-Québec.

Durement éprouvée par la COVID-19, la Ville de New York a d’autres chats à fouetter à l’heure actuelle, a expliqué Mme Brochu, qui a évoqué les tensions sociales au sud de la frontière parmi les éléments qui freinent les discussions.

« Ce n’est pas un manque de volonté, c’est une question à la limite de disponibilité présentement, a-t-elle dit. C’est juste plus compliqué. »

Le lien appelé Champlain Hudson Power Express (CHPE) permettrait d’acheminer de l’hydroélectricité depuis le Québec jusqu’au sud de la frontière. Ce projet détient toutes les autorisations nécessaires, contrairement à la ligne de transport devant permettre à Hydro-Québec d’alimenter le Massachusetts en passant par le Maine.

Dans cet état, l’interconnexion fera l’objet d’une consultation populaire lors du scrutin présidentiel en novembre. Des opposants ont également fait appel de l’autorisation octroyée le mois dernier par le département de la protection de l’environnement du Maine.

Hydro-Québec fonde de grands espoirs à l’endroit de ces deux projets afin de stimuler ses revenus. En raison de la crise sanitaire, la société d’État a mis sur la glace ses ambitions de croissance à l’internationale. De plus, pour le moment, l’Ontario ne semble pas intéressé à acheter davantage d’hydroélectricité québécoise.

Du pain sur la planche

Quelques semaines après son arrivée, Mme Brochu a nommé deux femmes — Claudine Bouchard (évolution d’entreprise et approvisionnement stratégique) et Johanne Duhaime (technologie de l’information et communications) — au sein du comité de direction. Celui-ci se retrouve maintenant en « zone paritaire », selon la dirigeante d’Hydro-Québec.

Mais au moment où la question du racisme systémique est très présente dans la sphère publique, Mme Brochu a reconnu qu’il y avait du travail à faire du côté de la représentativité des minorités visibles et ethniques. Dans l’immédiat, celle-ci n’avait toutefois pas de cible à offrir.

« Il va falloir se donner une cible si elle n’existe pas, a expliqué Mme Brochu. Ce que j’exprime aujourd’hui, c’est ma volonté, ma détermination, de faire en sorte que l’on fasse bouger l’aiguille. »

Au 31 décembre, Hydro-Québec disait compter parmi ses rangs 1626 membres des « minorités visibles et ethniques », une hausse de 52 % en quatre ans, selon la société d’État. Ceux-ci représentent 8,2 % de l’effectif total, ce qui demeure quand même loin de la plus récente cible fixée à 19 % par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Hydro-Québec a fait valoir que dans la région de Montréal, les minorités représentaient 15,7 % de son effectif. La majorité des employés de la société d’État se trouvent à l’extérieur de la grande région métropolitaine. Dans certains cas, les chances de recruter un candidat issu des minorités sont moins grandes que dans la métropole, a souligné un porte-parole, Louis-Olivier Batty.