En plus de voir ses bénéfices plonger au deuxième trimestre, où ses provisions pour pertes sur créances ont bondi en raison de la pandémie de COVID-19, la Banque Laurentienne a pris une décision qui n’avait pas été vue depuis presque trois décennies dans le secteur financier — sabrer son dividende.

Combinée à des résultats qui ont raté la cible des analystes, l’annonce a été mal reçue par les investisseurs, puisqu’à la Bourse de Toronto, vendredi, le titre de l’institution financière établie à Montréal a abandonné environ 9,1 %, ou 2,86 $, pour clôturer à 28,44 $. Dans son ensemble, le secteur de la finance a retraité de 2,08 % sur le parquet de Bay Street.

La réduction du dividende trimestriel par action est de l’ordre de 40 %, ce qui le fera passer de 67 cents à 40 cents, une décision axée sur la « prudence » afin d’avoir plus de « souplesse opérationnelle » dans le cadre d’une situation « sans précédent », a insisté à plusieurs reprises le président et chef de la direction de la Laurentienne, François Desjardins, au cours d’une conférence téléphonique avec les analystes.

« Nous aurions probablement maintenu le cap si la COVID-19 n’avait pas été là, a-t-il dit. Nous constatons des signes de stabilisation et nous travaillons sur la croissance. En générant de la croissance, les bénéfices vont revenir. Mais je ne peux pas vraiment prédire les six prochains mois. »

Dans un rapport publié à la fin mars, l’analyste Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, avait souligné que la dernière réduction du dividende de la part d’un des principaux prêteurs au pays remontait au début de 1993, lorsque la Banque Nationale avait pris une décision en ce sens.

Les résultats des banques ont été largement alourdis par les programmes de report de paiement qu’elles ont mis en place pour soulager les Canadiens aux prises avec des difficultés financières. Leurs provisions pour pertes sur créances étaient beaucoup plus élevées qu’au cours des trimestres précédents. Certains de leurs dirigeants ont averti que la pandémie n’entraînerait « pas une récession habituelle » et ont souligné que l’économie grattait « le fond du baril ».

Mais contrairement à Laurentienne, aucun des principaux prêteurs n’a annoncé une baisse de son dividende par action.

D’autres mesures

Parallèlement, la Laurentienne a éliminé 200 autres emplois — dont 100 postes en mai — et prévoit que son réseau de 83 succursales en comptera environ 20 de moins d’ici la fin de l’année. En 2016, alors qu’elle allait de l’avant avec sa transformation prévoyant la fin de services au comptoir au profit des services-conseils, la banque comptait quelque 150 succursales.

Ce plan, qui accusait déjà du retard par rapport à son échéancier initial, prendra également plus de temps à se réaliser.

« La COVID-19 vient changer cela puisqu’il faut effectuer des provisions plus élevées pour les pertes sur créances et les retards (de paiement) sur certains prêts en matière de service à la clientèle, qui est la priorité numéro un ces temps-ci », a dit M. Desjardins.

Pour la période de trois mois terminée le 30 avril, la Laurentienne a vu son bénéfice net plonger de 79 %, à 8,9 millions, ou 13 cents par action, alors que ses revenus sont demeurés stables, à 240,1 millions.

Les provisions pour pertes sur créances se sont établies à 54,9 millions au deuxième trimestre, alors qu’elles avaient été de 9,2 millions il y a un an. En date du 30 avril, le montant des paiements reportés pour les prêts personnels, hypothécaires résidentiels et commerciaux totalisait 109 millions.

« Dans l’ensemble, nous avons une opinion négative des résultats du deuxième trimestre », a souligné M. Mihelic, dans une note envoyée aux investisseurs vendredi, dans laquelle il souligne que la baisse du dividende de 40 % n’était pas anticipée.

Abstraction faite des éléments non récurrents, la Laurentienne a affiché un bénéfice ajusté de 11,9 millions ou 20 cents par action, en baisse de 76 % par rapport au deuxième trimestre l’an dernier.

Les analystes anticipaient un profit ajusté de 38 cents par action, selon la firme de données financières Refinitif.