Sept ans après une restructuration douloureuse, qui a conduit à la fermeture d’une soixantaine de magasins aux États-Unis et au Canada et privilégié les ventes en ligne, Best Buy est une des entreprises qui se tire le mieux d’affaire dans le contexte de la pandémie. Ses ventes ont baissé d’à peine 5,3 % entre février et avril dernier par rapport à 2019, sa chaîne d’approvisionnement a tenu le coup et ses employés et clients lui sont restés attachés.

C’est surtout ce dernier aspect dont se montre le plus fier Hubert Joly, qui a été PDG de Best Buy de 2012 à 2019 avant de devenir son président exécutif en juin dernier. Lors d’une vidéoconférence organisée par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), mercredi midi, il a d’entrée de jeu affirmé que la priorité du détaillant en électronique a été d’assurer la sécurité de ses employés et de fournir à ses clients ce qui était devenu un service essentiel en période de confinement et de télétravail.

« La mobilisation d’une entreprise passe par le fait que chaque individu puisse connecter ses motivations profondes avec la vocation de l’entreprise, a-t-il déclaré. Le rôle du dirigeant n’est pas d’être la personne la plus intelligente au monde, c’est de créer un environnement dans lequel les collaborateurs vont s’épanouir et donner le meilleur d’eux-mêmes. »

Un « astéroïde »

Le modèle d’affaires de Best Buy, qui laisse une large place aux ventes en ligne et à la cueillette en magasin – cette dernière est restée possible dans la plupart des régions de l’Amérique du Nord, à l’exception du Québec – tombait bien sûr à point. « Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas quelques pépins, mais de manière générale, toute la modernisation qui avait été entreprise s’est révélée un atout considérable, a-t-il précisé plus tard en point de presse. Nous avons une chaîne d’approvisionnement très forte, nous sommes perçus dans plusieurs provinces comme un service essentiel. »

Il décrit la crise de la COVID-19 comme un « astéroïde qui a percuté la Terre » et engendré des conséquences qui ne s’effaceront pas. « Les dinosaures vont mourir, les plaques tectoniques vont se déplacer. Personne n’a envie d’être dans le camp des dinosaures. »

La reprise, selon lui, ne doit pas être qu’un simple redémarrage des activités, mais être l’occasion d’une « réinitialisation, d’un ‟reset” » des entreprises. « Les comportements d’achats en ligne auront évolué. Tous ceux qui ont fait leurs courses alimentaires sur l’internet, par exemple, qui ne pensent plus que ce soit une nécessité vitale de sentir le melon avant de l’acheter, ça va rester. »

Éloge des magasins

Le président exécutif reconnaît qu’il y a des incertitudes « énormes » quant à l’avenir. La hausse du chômage, la baisse de la demande en biens non essentiels, la remise en question de certains aspects de la mondialisation modifieront profondément l’économie, et surtout le commerce de détail. Il croit cependant déceler certaines tendances de fond qui vont s’amplifier. « On a eu tout un mouvement de globalisation depuis 30 ans avec une course à l’efficience. On va plutôt aller maintenant vers une plus grande agilité et de la résilience, diversifier les chaînes d’approvisionnement pour les rapprocher des marchés qu’on sert. L’hypothèse la plus sûre, c’est de dire qu’une bonne partie des changements vont être durables. »

Best Buy compte-t-il aller plus loin dans sa restructuration et fermer d’autres magasins ? M. Joly répond plutôt que la situation dans le commerce de détail est « dynamique », mais que Best Buy n’a pas une stratégie de fermeture de magasins. « On ne se définit pas en nombre de magasins qu’on a, mais en nombre de clients qu’on sert. Je ne suis plus directeur général, j’ai passé les rênes. Comment sera l’année prochaine ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais on voit que les magasins sont un atout considérable. Voir la qualité de l’image d’un téléviseur, du son d’une enceinte audio ou d’un casque d’écoute, c’est en magasin qu’on fait ça. Même Amazon investit dans des magasins physiques. »