Parce qu’il s’adresse à l’ensemble des industries, le Crédit d’urgence pour les grands employeurs annoncé lundi par Ottawa n’exigera pas des transporteurs aériens qu’ils remboursent leurs clients dont le vol a été annulé avant de recevoir un prêt.

Cette situation exaspère encore davantage des groupes réclamant depuis le début de la pandémie qu’un remboursement soit exigé.

« Depuis le début, on dit que s’il faut qu’il y ait une aide gouvernementale pour que les compagnies remboursent les consommateurs, ainsi soit-il », rappelle Elise Thériault, avocate chez Option consommateurs.

« Là, d’offrir une aide gouvernementale sans exiger de remboursement, c’est problématique. Dans quelle autre industrie est-ce que ce serait accepté ? »

Le fondateur du site Droits des voyageurs, Gábor Lukács, est encore plus critique.

L’échec du gouvernement à protéger les consommateurs est très troublant. Et c’est de courte vue, parce que ça érode la confiance du public envers l’industrie du voyage. Quand la pandémie sera passée, les gens vont hésiter à acheter des billets d’avion, parce qu’ils vont avoir peur que ce soit annulé sans ravoir leur argent.

Gábor Lukács

Le gouvernement américain a imposé aux transporteurs américains de rembourser leurs clients. Cette règle n’était pas liée directement à l’aide de plusieurs milliards versée à l’industrie. C’est aussi vrai en Europe.

« Les gens vont voter avec leur portefeuille, prévient M. Lukács. S’ils ont le choix entre un transporteur canadien ou américain pour leur prochaine destination, ils vont choisir la compagnie américaine. »

Option consommateurs ne s’oppose pas à ce que les transporteurs offrent des crédits plutôt qu’un remboursement, dans la mesure où cette solution convient à leurs clients. Mais ce n’est pas le cas de tous, rappelle Mme Thériault.

« Si les gens pouvaient voyager en 2020, ce n’est pas sûr qu’ils vont pouvoir le faire dans deux ans. On reçoit des messages de gens qui ont 70 ans et qui ne savent pas quel sera leur état de santé dans deux ans. Des gens qui voulaient aller au chevet de leur mère mourante. Des voyages entre amis où on sait que ce sera impossible que tout le monde ait ses vacances en même temps à nouveau. Des jeunes qui voulaient célébrer la fin de leur secondaire. »

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Air Canada a déjà obtenu un prêt fédéral de plusieurs centaines de millions.

Aide pour Air Canada

Pour M. Lukács, l’idée même d’une aide à Air Canada n’est pas la bienvenue, peu importe les conditions.

« Je ne pense pas qu’Air Canada devrait être incluse dans le programme, parce qu’ils ont de l’argent. Ils ne sont pas du tout au bord de la faillite. […] Si on regarde objectivement, ils n’en ont pas besoin. »

Même si un remboursement devait rapprocher des transporteurs du gouffre financier, ce devrait être la solution proposée par Ottawa, juge-t-il.

« Ce sont de grandes organisations, elles ne vont pas faire faillite et disparaître. Elles se placeraient sous la protection de leurs créanciers et il y aurait tout un processus, supervisé par un juge, auquel pourrait toujours participer le gouvernement s’il le souhaite. »

Le Journal de Montréal rapportait mardi qu’Air Canada avait déjà reçu des fonds fédéraux. L’entreprise avait dévoilé il y a quelques jours, dans le cadre de la divulgation de ses résultats financiers trimestriels, avoir obtenu un prêt de 788 millions de dollars. Elle s’était toutefois gardée de préciser que ce prêt provenait d’Exportation et Développement Canada (EDC).