(Toronto) Après avoir passé des années et dépensé des millions de dollars pour concevoir un projet, la compagnie sœur de Google, Sidewalk Labs, a abandonné l’idée de bâtir un quartier technologique riverain à Toronto en raison « de l’incertitude économique sans précédent ».

Sidewalk Labs a déclaré jeudi qu’elle abandonnait ses plans controversés de ville futuriste qui comprenait un quartier à la fine pointe de la technologie sur une parcelle de terrain abandonnée. Ce projet avait suscité la colère de ceux qui étaient préoccupés par les risques d’invasion de la vie privée et de surveillance des allées et venues.

« Une incertitude économique sans précédent s’est installée dans le monde entier et dans le marché immobilier de Toronto, et par conséquent, il est devenu trop difficile de rentabiliser un projet de 12 acres (près de cinq hectares) sans sacrifier des éléments essentiels du plan que nous avions élaboré », a déclaré le chef de la direction de Sidewalk Labs, Dan Doctoroff, dans une lettre publiée en ligne.

M. Doctoroff a annoncé sa décision à Waterfront Toronto, une agence tripartite qui devait déterminer si elle allait permettre ou non à Sidewalk de poursuivre son projet, mercredi.

« Bien que ce ne soit pas la décision que nous espérions, Waterfront Toronto remercie… Sidewalk Labs pour sa vision, ses efforts et les nombreux engagements que l’entreprise et ses employés ont pris envers l’avenir de Toronto », a déclaré le président de Waterfront, Stephen Diamond, par voie de communiqué.

Sidewalk avait remporté l’appel d’offres de Waterfront en 2017 pour développer une bande de terre située au bord du lac, surnommée « Quayside », dans un secteur sous-développé de la ville.

Des détracteurs se sont toutefois plaints qu’une entreprise américaine obtienne une parcelle de terre convoitée qui aurait pu être développée par des entreprises canadiennes. Ces personnes étaient préoccupées par la possibilité que les données recueillies par une panoplie de capteurs et d’appareils étalés un peu partout dans le quartier tombent entre de mauvaises mains.

En juin 2019, la proposition de 1500 pages de l’entreprise impliquait des investissements de 1,3 milliard, notamment pour des « imperméables pour les édifices », des trottoirs illuminés et chauffés qui auraient quadrillé le quartier, de hautes structures en bois et des logements abordables.

L’entreprise, qui a dévoilé ses prototypes d’« imperméables » et de trottoirs illuminés à son siège social où travaillent 30 personnes, soutenait que le projet créerait 44 000 emplois, générerait 4,3 milliards en recettes fiscales annuelles et injecterait annuellement 14,2 milliards dans le produit intérieur brut du Canada.

Si le plan initial devait s’étendre sur cinq hectares, la proposition de Sidewalk convoitait plutôt un territoire de 77 hectares — 16 fois la taille du projet initial.

M. Diamond et Waterfront n’étaient pas satisfaits. En octobre, ils ont convaincu Sidewalk et M. Doctoroff de réduire la taille de leur projet et de miser plutôt sur un projet de cinq hectares.

Sidewalk a aussi accepté d’entreposer et d’analyser les données recueillies par le projet au Canada, de payer une valeur marchande équitable pour le terrain au moment de la vente, d’unir ses efforts à ceux d’un ou de plusieurs promoteurs immobiliers et de permettre à des entreprises canadiennes d’utiliser les brevets matériels et logiciels de Sidewalk.

Si le projet plus modeste s’était concrétisé, Waterfront et Sidewalk auraient pu s’entendre pour développer un lopin de terre plus imposant, après avoir complété le processus d’appel d’offres habituel.