À l’heure où on attend d’autres détails sur l’aide fédérale pour les loyers commerciaux, les relations sont tendues entre des détaillants et des bailleurs de taille moyenne.

Les détaillants La Vie en Rose, Groupe Marie Claire et Groupe Nero Bianco, par exemple, se disent incapables de payer leur loyer d’avril et ont entrepris une démarche commune auprès du propriétaire de certains de leurs locaux, le Fonds de placement immobilier BTB, pour proposer une solution. BTB, qui doit assumer ses frais fixes, rétorque qu’elle a proposé des solutions, en vain.

Groupe Nero Bianco, qui possède 50 magasins à travers la province (Nero Bianco et Club C les chaussures qu’on aime), a donc reçu une mise en demeure de BTB qui exigeait le paiement du loyer d’avril. BTB est propriétaire de 65 immeubles commerciaux et de bureaux à travers la province, dont certains situés dans le Méga Centre Rive-Sud à Lévis et le Méga Centre Saint-Bruno, à proximité des Promenades CF St-Bruno.

« Je suis sans mots. C’est le seul propriétaire que j’ai qui prend une ligne dure et qui me dit : ‟Si tu ne payes pas avril, on va prendre des recours” », a dit en entrevue téléphonique Jean-François Transon, président de Groupe Nero Bianco.

On ne peut pas jouer les gros bras quand il y a une pandémie », ajoute-t-il.

Le propriétaire a décidé d’unir ses forces avec deux autres détaillants, La Vie en Rose et Groupe Marie Claire, qui louent aussi des locaux à BTB. Ils ont envoyé une lettre au propriétaire pour lui proposer des solutions comme le paiement du loyer en pourcentage des ventes actuelles. Par exemple, si le loyer représentait 15 % des ventes avant la pandémie, le locataire payerait au bailleur 15 % de ses ventes actuelles. Les trois détaillants ne sont pas admissibles à l’aide fédérale au loyer commercial, en l’état actuel du programme.

« On veut montrer qu’on n’est pas en train de bluffer et de jouer une partie de poker », a expliqué au téléphone le président de La Vie en Rose, François Roberge. M. Roberge affirme n’avoir payé aucun des loyers qu’il a avec 50 propriétaires différents.

« On est une industrie à risque, poursuit-il. Les loyers me coûtent 5 millions par mois et je n’ai pas de revenus depuis la mi-mars. Ce ne sera pas long que je ne serai plus en affaires. »

On a fait des propositions, répond BTB

« C’est totalement faux que je ne suis pas ouvert à la discussion, a répondu le chef de la direction de BTB, Michel Léonard, en entretien avec La Presse. On a fait des propositions à ces gens-là et les propositions ont été refusées, et sur la base du refus, nous avons envoyé une mise en demeure. »

Selon M. Léonard, plus de 80 % des locataires de ses immeubles de bureaux, centres commerciaux et locations industrielles ont payé leur loyer du mois d’avril. Des 20 % restants, le quart a conclu des ententes de paiement.

BTB, qui a toujours des frais fixes à assumer (hypothèques, taxes, entretien et salaires) assure qu’il souhaite « des ententes raisonnables qui font en sorte que chaque partie va se trouver gagnante ». Michel Léonard explique avoir conclu des ententes de report d’une partie de loyer avec des détaillants. 

L’autre partie doit être payée. Elle représente la portion des taxes foncières et des frais d’exploitation de l’immeuble.

Michel Léonard soutient que la lettre d’avocat envoyée à Nero Bianco n’est pas une mise en demeure habituelle, mais plutôt « une lettre qui disait que ce serait bon d’entrer en contact avec le propriétaire pour s’assurer d’avoir une entente ».

« De nous dire qu’ils ne veulent pas payer le loyer et qu’on va s’en reparler plus tard, c’est vraiment inacceptable », soutient Michel Léonard.

« Approches légales »

« Il y a beaucoup d’approches légales de la part des moyens et petits propriétaires, parce qu’ils ont les reins moins solides que les Cominar de ce monde », affirme Jean-François Belleau, du Conseil canadien du commerce de détail. Il note que les grands propriétaires se montrent plus indulgents dans la situation actuelle.

Groupe Boucher Sport, qui n’a pas payé ses loyers du mois d’avril, a reçu lui aussi des mises en demeure, mais n’a pas voulu préciser qui sont les bailleurs les ayant envoyées.

« Sur les loyers, la grande majorité est compréhensive et attend que la mesure du gouvernement se clarifie », relate au téléphone Martin Boucher, PDG de Groupe Boucher Sport, qui exploite 28 franchises sous quatre enseignes (Sports Experts, Atmosphère, Entrepôt du hockey et Hockey Experts).

« On a quelques bailleurs qui ont pris une approche plus ferme, plus cowboy, en nous envoyant des lettres d’avocat, poursuit-il. Mais ils sont en train de réaliser que ça ne fait pas de sens de mettre une pression indue dans le contexte actuel. »

« Je crois que les détaillants et les bailleurs doivent faire des sacrifices. Il faut partager le risque », soutient François Roberge, de La Vie en Rose.