(Washington) Warren Buffett s’est dit persuadé samedi que le miracle économique américain « prévaudra à nouveau » après que la première économie du monde a été mise à genoux par la pandémie de nouveau coronavirus, sa holding Berkshire Hathaway ayant affiché une perte nette de 50 milliards de dollars au 1er trimestre 2020.

« Nous avons fait face à de graves problèmes par le passé, même si nous n’avons jamais eu à faire face exactement à ce problème (la pandémie de COVID-19, NDLR). Mais nous avons eu à faire face à des problèmes plus graves et le miracle américain, la magie américaine prévaudra encore une fois », a déclaré samedi le milliardaire de 89 ans, considéré comme l’un des investisseurs les plus avisés au monde, lors d’un long monologue sur l’histoire économique des États-Unis pour tenter de prouver son point de vue optimiste.  

« Nous sommes aujourd’hui un pays meilleur, aussi bien qu’un pays incroyablement plus riche que nous ne l’étions en 1789 […] Nous avons encore bien du chemin à faire mais nous sommes allés dans la bonne direction », a-t-il dit, évoquant l’abolition de l’esclavage et le vote des femmes, avant de lancer son fameux « ne pariez jamais contre les États-Unis ».

La perte nette gigantesque de 49,75 milliards de dollars (contre un bénéfice de presque 22 milliards un an plus tôt) est due dans sa totalité à la perte de la valeur de l’immense portefeuille d’actions diverses détenues par Berkshire Hathaway, reflétant la déroute des places boursières provoquée par la pandémie.

Une règle comptable de 2018 force la holding à tenir compte des pertes ou gains non réalisés dans ses comptes trimestriels.

Fluctuation

Quatrième fortune mondiale avec 72 milliards de dollars, selon le baromètre de Forbes de samedi, M. Buffett préfère pour sa part mesurer la performance de sa holding protéiforme — outre des actions, elle possède également des activités « réelles » dans l’assurance, le transport et l’énergie par exemple — au résultat opérationnel, moins sujet à fluctuation.

Ce dernier est ressorti avec un bénéfice de 5,9 milliards de dollars contre 5,55 milliards un an plus tôt.

Répondant à des questions de ses actionnaires pendant des heures, M. Buffett a aussi jeté un pavé dans la mare en révélant qu’à cause de la crise provoquée par la pandémie sur le transport aérien, Berkshire avait vendu en avril la totalité des quelque 10 % détenus dans les quatre principales compagnies aériennes des États-Unis : American Airlines, Delta Air Lines, Southwest Airlines et United Airlines.

« Il s’avère que je me suis trompé », a reconnu M. Buffett, entre le moment où la holding a acheté ses participations sur de nombreux mois et la revente, « le secteur du transport aérien a changé de manière très profonde » et ne pouvait donc plus remplir les critères de rentabilité fixés par l’entreprise.

M. Buffett a souligné que les compagnies étaient bien gérées mais que l’incertitude sur l’avenir du transport aérien était trop grande pour que Berkshire reste investi.

Cette révélation risque de peser encore sur des compagnies aériennes poussées au bord du précipice par la pandémie de COVID-19 qui a réduit à la portion congrue le trafic aérien.

Omaha morne plaine

M. Buffett s’exprimait à l’occasion de la fameuse assemblée générale de Berkshire Hathaway. Mais à l’instar de tous les autres rassemblements publics, elle est virtuelle cette année et le milliardaire s’adresse à ses actionnaires lors d’une diffusion en direct sur l’internet flanqué seulement de Gregory Abel, chargé des opérations hors assurances.  

Même son associé de 60 ans Charlie Munger, qui a 96 ans, n’a pas fait le déplacement.

Cette AG fait partie intégrante du folklore associé à Warren Buffett, qui aura 90 ans le 30 août et qui cultive l’image d’un homme aux goûts simples, proche des gens.

L’AG est l’occasion pour des dizaines de milliers d’actionnaires et de fans de se retrouver à Omaha, au milieu des grandes plaines du Nebraska, pour participer à une réunion qui tient plus de la foire populaire que de la réunion d’investisseurs.

C’est aussi l’occasion d’aduler celui qui est surnommé « l’Oracle d’Omaha ».

Une bonne partie des sociétés de la holding sont considérées comme essentielles et elles peuvent donc continuer à opérer malgré les mesures de confinement prises à travers quasiment tous les États-Unis : assurances, transport ferroviaire, production d’énergie.  

Mais même l’oracle reconnaît qu’il ne sait pas prédire l’avenir. « Nous ne pouvons dire de façon fiable quand les activités dans nos nombreuses et diverses entreprises vont retourner à la normale », reconnaît la direction de Berkshire Hathaway dans les documents boursiers publiés samedi.