(Ottawa) L’un des principaux fournisseurs de services sans fil du Canada semble avoir ouvert la voie à une lutte avec Ottawa au sujet du calendrier de propositions de baisses de tarifs.

Telus et ses marques affiliées Koodo et Public Mobile ont récemment placé sur leur site web un sceau « conforme aux exigences de prix abordables » — ce qu’un défenseur des consommateurs estime être une tentative pour réinitialiser le point de départ de la promesse électorale des libéraux consistant à réduire les tarifs des services sans fil.

La campagne de Telus précède les audiences réglementaires de cette semaine, qui pourraient éventuellement se traduire par un plus grand nombre de petits concurrents dans l’industrie du sans-fil au Canada, ce qui accentuerait la pression sur les plus gros joueurs pour qu’ils réduisent leurs prix et améliorent leurs services.

La plateforme électorale du premier ministre Justin Trudeau comprenait une promesse de réduction des tarifs de téléphonie cellulaire de 25 %, un engagement qui, selon les libéraux, permettrait à une famille de quatre personnes d’économiser en moyenne près de 1000 $ par an.

Les libéraux appuyaient leur engagement sur un modèle de comparaison des prix de 2018 que Telus, Koodo et Public Mobile disent maintenant avoir déjà dépassé.

Le mois dernier, cependant, le ministre fédéral de l’Industrie, Navdeep Bains, a clairement indiqué qu’il considérait que le point de départ des réductions était la mi-décembre 2019, soit le moment où il a reçu un mandat de M. Trudeau pour s’assurer que les prix baissent.

Les prix sur le marché canadien des services sans fil mobiles ont diminué de 28 % en moyenne de 2016 à 2018, selon un rapport de 2019 du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Sur une page bien en vue sur son site web, Telus laisse maintenant entendre que ses plans sont déjà concurrentiels.

« Nous avons revu nos prix en vigueur pour nous assurer d’offrir un forfait plus abordable que la cible de 2929 $ par an pour une famille de quatre personnes » identifiée par les libéraux, y indique Telus.

« Notre forfait Sans tracas de Telus pour une famille de quatre personnes offre 26 Go de données de plus que les forfaits types référencés par le Parti libéral, et il permet de réaliser des économies annuelles supplémentaires de 49 $ », poursuit le fournisseur de services, ajoutant qu’il propose de tels forfaits depuis juillet 2019.

Telus n’a pas répondu aux demandes de commentaires sur sa nouvelle promesse sur les prix.

Koodo a pris un engagement similaire en affirmant que ses forfaits « fournissent 4 Go de données de plus que les exemples mentionnés par le Parti libéral, et procurent 169 $ d’économies additionnelles par année ».

Le site web de Public Mobile évoque une économie de 1009 $ au-delà de l’engagement libéral sur un plan de quatre appareils et 5 Go.

Les trois fournisseurs fournissent également des liens vers les propositions de baisse des taux présentées par les libéraux l’automne dernier.

Prendre de l’avance

Selon la directrice générale du groupe de défense des consommateurs OpenMedia, Laura Tribe, même s’il est rare que les entreprises de services sans fil du Canada défient ouvertement les partis politiques sur leurs plateformes politiques, elle n’est pas étonnée par cette décision étant donné les enjeux des audiences du CRTC.

« Je pense que cela montre qu’ils tentent de prendre de l’avance dans une bataille qu’ils voient venir », a observé Mme Tribe.

Telus doit témoigner jeudi dans le cadre des audiences.

Jusqu’à présent, les deux plus grands fournisseurs de services sans fil au Canada, Bell et Rogers, n’ont pas dévoilé d’initiatives de marketing similaires.

À compter de mardi, le CRTC tiendra neuf journées d’audiences avant de décider, entre autres choses, s’il établira des tarifs de gros obligatoires qui détermineront le prix que les grands réseaux sans fil pourront facturer aux nouveaux opérateurs de réseau mobile virtuel, appelés MVNO.

La lettre de mandat de M. Bains a encouragé le ministre à promouvoir le développement des MVNO comme moyen de favoriser la concurrence sur le marché canadien des services sans fil. Elle invite aussi le ministre à élargir les règles d’admissibilité des MVNO, ainsi que les pouvoirs du CRTC en matière de prix, si la baisse de 25 % des tarifs devait ne pas se concrétiser en deux ans.

Mais les principaux acteurs du sans-fil préviennent qu’une éventuelle obligation de fournir un espace à taux réduit sur leurs réseaux à de nouveaux concurrents pourrait étouffer les plans d’investissement dans des infrastructures plus avancées, y compris la technologie 5G, qui promet d’augmenter considérablement les taux de transmission de données.

Le patron de Rogers a indiqué à un analyste le mois dernier qu’une réglementation punitive ralentirait ou immobiliserait le déploiement de la 5G, ce qui obligerait le fournisseur à couper potentiellement dans des milliards de dollars d’investissements prévus.