(Londres) Aston Martin évite la sortie de route grâce à un investissement du milliardaire canadien de la F1 Lawrence Stroll et d’autres investisseurs comprenant un autre Montréalais, André Desmarais.

En vertu de l’accord annoncé vendredi, le groupe mené par M. Stroll injectera 316 millions de dollars canadiens pour acquérir une participation de 16,7 % – qui pourrait grimper jusqu’à 20 % – de l’emblématique entreprise en difficulté.

Le refinancement d’Aston Martin a comme cible de récolter, au total, jusqu’à 855 millions de dollars canadiens. Les fonds restants devraient être récoltés auprès d’actionnaires actuels de la société dont le siège social se trouve à Gaydon, au Royaume-Uni.

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Une Aston Martin Lagonda stationnée devant l’usine du constructeur automobile à Saint Athan, au Pays de Galles.

Lawrence Stroll, qui a bâti sa fortune grâce à ses investissements dans des marques comme Pierre Cardin, Ralph Lauren et Tommy Hilfiger deviendra président exécutif du conseil d’administration d’Aston Martin, qui a vu le jour en 1913 et célèbre pour ses voitures que l’on peut apercevoir dans les films de l’agent secret James Bond.

André Desmarais est vice-président du conseil d’administration de Power Corporation et un des actionnaires de contrôle de ce groupe financier de Montréal. Il fait également partie des actionnaires de l’écurie de F1 Racing Point.

Outre MM. Stroll et Desmarais, les hommes d’affaires Jonathan Dudman, John Idol, John McCaw Michael de Picciotto et Silas Chou – un partenaire de longue date de M. Stroll – font aussi partie du consortium.

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André Desmarais, actionnaire de Racing Point, avant le GP du Canada en juin 2019.

« Aston Martin fabrique parmi les voitures de luxe les plus célèbres au monde », souligne M. Stroll dans un communiqué, qui entend « continuer à investir dans des nouveaux modèles et les technologies, et rééquilibrer la production pour donner la priorité à la demande sur l’offre ».  

Aston Martin tente de retrouver un élan après avoir affiché une performance décevante, notamment au chapitre des ventes. Sa capitalisation boursière était tombée autour de 1 milliard de livres, loin des 4,3 milliards de livres obtenus lors de son entrée en Bourse à la fin 2018.

« Je suis convaincu que ce capital, combiné à mon expérience dans l’industrie mondiale de l’automobile et de l’établissement de marques mondiales performantes, nous permettra de réaliser le potentiel d’Aston Martin au fil du temps », a souligné l’homme d’affaires de 60 ans dans un communiqué.

Avec son investissement, Yew Tree Overseas Limited devrait devenir le deuxième actionnaire en importance du constructeur automobile, derrière Investindustrial Advisors et sa participation de 32,8 %, d’après la firme de données financières Refinitiv.

Du travail à faire

« La dernière année a été très décevante et difficile pour la compagnie, a expliqué le président et chef de la direction d’Aston Martin, Andy Palmer. Malgré nos efforts, les conditions difficiles et les mauvais résultats ont mis de la pression sur les liquidités, ce qui affecte notre capacité à respecter notre plan initial. »

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Même s’il a fait fortune dans le milieu de la mode où il a redressé des marques de prêt-à-porter, l’arrivée de M. Stroll au sein de l’équipe d’administrateurs d’un constructeur automobile est logique, d’après le professeur Karl Moore, du département de gestion de l’Université McGill.

« Il connaît bien le marché du luxe et comprend le marché dans lequel évolue Aston Martin, a souligné M. Moore au cours d’un entretien téléphonique. “C’est une marque de luxe, de voitures performantes.”

Selon le magazine américain Forbes, la fortune de M. Stroll est évaluée à 2,6 milliards US. Grand amateur de voitures, M. Stroll est propriétaire du circuit de Mont-Tremblant et possède une grande collection de bolides Ferrari.

L’écurie Racing Point sera rebaptisée Aston Martin en 2021

Cette opération financière se double d’un volet sportif notable, puisque l’écurie de F1 de M. Stroll, Racing Point, dont l’un des pilotes est Lance Stroll, le fils du milliardaire, va prendre le nom d’Aston Martin à partir de la saison 2021.

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Le pilote Lance Stroll, fils de Lawrence Stroll, au volant de sa Racing Point à Silverstone durant le GP de Grande Bretagne en juillet 2019.

Racing Point a été créé en 2018 après la faillite de Force India et son rachat par le consortium de M. Stroll, notamment propriétaire du circuit canadien de Mont-Tremblant.

Aston Martin, qui est commanditaire principal de l’écurie Red Bull, va mettre fin à ce partenariat, mais seulement à la fin de la saison 2020.

Retard dans l’électrique

Le constructeur pourrait être tenté de limiter sa production afin de tirer davantage de profit de chaque modèle vendu.

Les analystes s’interrogeaient en outre sur le sort d’Andy Palmer, qui pourrait n’être pas le mieux placé pour piloter le groupe après une année 2019 “désastreuse”, selon Russ Mould, analyste chez AJ Bell.

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L’Aston Martin DBX, premier VUS d’Aston Martin.

Compte tenu de ses difficultés financières et de l’urgence de se remettre en ordre de marche, le groupe a décidé de repousser au-delà de 2025 ses investissements dans les véhicules électriques, qui étaient prévus pour 2022.

“Le groupe risque de prendre du retard par rapport à ses pairs au moment où les véhicules électriques sont en plein essor”, prévient Neil Wilson, analyste chez Markets.com.

Aston Martin mise dans le même temps beaucoup sur son entrée sur le marché des VUS avec son modèle baptisé DBX pour un prix de près 200 000 euros (290 000 dollars canadiens). Lancé en novembre en grande pompe en Chine, son carnet de commandes se remplit, assure le constructeur.

Le constructeur compte aussi bénéficier de la sortie du prochain volet de James Bond, “Mourir peut attendre”, prévue le 8 avril en France et dans lequel figureront quatre de ses modèles.

Note de la rédaction : Version corrigée. Aston Martin souhaite mobiliser environ 855 millions. Une version précédente rapportait une donnée erronée au 3e paragraphe.

Avec La Presse