(Québec) Qu’ont en commun l’Empire State Building, le Louvre, la Place du Trocadéro, le Pentagone et l’édifice Sun Life de Montréal ? Leurs façades de pierre proviennent pour la grande majorité d’entre elles de carrières appartenant à une entreprise bien de chez nous. Ces immeubles prestigieux le démontrent, la pierre a certes un passé, mais qu’en sera-t-il demain ?

« L’avenir nous appartient », lance, frondeur, Patrick Perus, président-directeur général de Polycor. Plus grand propriétaire de pierres naturelles en Amérique du Nord, Polycor a été fondé en 1987 à Québec, où se trouve son siège social.

L’entreprise est devenue un véritable consolidateur de l’industrie de la pierre architecturale avec plus de 50 carrières au Canada, aux États-Unis et en France, 1200 employés et des revenus annuels de 250 millions. Au cours des quatre dernières années, les revenus ont quadruplé au gré d’une série d’acquisitions. La Presse a rencontré M. Perus au siège social de Polycor, rue Saint-Paul.

Selon M. Perus, si la société veut vraiment être sérieuse dans la lutte contre les changements climatiques, l’industrie de la construction n’aura pas le choix de privilégier les matériaux durables et faibles en carbone comme la pierre et le bois.

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Patrick Perus, président-directeur général de Polycor, plus grand propriétaire de pierres naturelles en Amérique du Nord

À New York et à Paris, les autorités ne veulent plus de façades de verre.

Patrick Perus, président-directeur général de Polycor

Ces façades, qui se sont imposées dans les centres-villes depuis la fin des années 80, sont inefficaces sur le plan énergétique. L’été transforme alors en fournaises les bâtiments, qu’il faut climatiser à grands frais.

En avril dernier, le maire de New York, Bill de Blasio, a annoncé qu’il découragerait dorénavant la construction de gratte-ciel en verre et en acier.

Montréal n’est pas encore là, mais le patron de Polycor ne désespère pas que le mouvement prenne de l’ampleur. « On n’en est qu’au début », répète-t-il en entrevue.

Granit-en-Québec

Pour peu que Patrick Perus ait raison, le Québec est bien placé pour en profiter. Il est prévu que la province extraie 47 millions de tonnes de pierre en 2019, pour des livraisons d’une valeur de 564 millions de dollars, selon l’Institut de la statistique du Québec. La province compte une cinquantaine de carrières en activité, propriété d’une vingtaine d’entreprises. Les carrières sont concentrées au Saguenay–Lac-Saint-Jean et dans la région de la Capitale-Nationale.

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La carrière de Rivière-à-Pierre, au nord de Portneuf

Pour sa part, Polycor détient au Québec des carrières à Rivière-à-Pierre, dans Portneuf, à Saint-Nazaire, au sud du lac Saint-Jean, et à Stanstead et à Saint-Sébastien, près de Lac-Mégantic. Elle exploite aussi sept usines de transformation à proximité des puits.

Une carrière emploie de 5 à 80 personnes, souvent en région rurale. On a toujours un impact plus important que la taille de notre société dans nos communautés. De plus, ça ne se délocalise pas, les carrières. Ça ne peut pas aller en Chine.

Patrick Perus

En attendant le virage écologique de l’industrie de la construction, la croissance chez Polycor provient du domaine des infrastructures et de l’aménagement urbain. La place des Festivals, le parc Jean-Drapeau, la place d’Armes, le square Viger ont tous été réaménagés avec de la pierre. Des bordures de trottoir en granit ont aussi été installées sur le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis. Ce sera aussi le cas de la rue Sainte-Catherine.

« Quand on veut faire quelque chose de beau et de durable, la pierre naturelle, c’est ce qu’il y a de mieux. Le granit, ça dure 100 ans », souligne celui qui dirige la société depuis 2009.

L’autre axe de croissance est du côté de l’aménagement paysager dans le secteur résidentiel aux États-Unis. Mais pas au Québec, qui reste la chasse gardée du pavé uni, du béton moulé, selon M. Perus. Polycor fournit aussi la pierre pour des comptoirs de cuisine en granit. Et des pierres tombales pour au moins 80 000 défunts par an.

Consolidateur mondial

Après avoir acquis en 2018 Indiana Limestone, qui a produit la pierre de l’Empire State Building, Polycor a ensuite mis la main sur Elliott Stone cette année, toujours en Indiana.

Nous voulons contrôler les ressources historiques, patrimoniales en Amérique du Nord et maintenant en Europe. Nous sommes devenus le plus grand groupe mondial hors Chine. De ce que nous voudrions contrôler en Amérique du Nord, nous en détenons actuellement 80 %.

Patrick Perus

Le reste suivra en temps et lieu, assure le PDG de 50 ans.

L’industrie de la pierre dimensionnelle reste méconnue et n’attire pas les regards. Polycor est loin de s’en plaindre. La marge de ses bénéfices avant intérêt, impôt et amortissement tourne autour de 25 à 30 %, avance M. Perus.

Polycor en bref

Fondation : 1987

Siège social : Québec

Revenus annuels : 250 millions

Actionnaires : dirigeants (15 %) et les fonds d’investissement privés TorQuest, Wynnchurch et PNC Mezzanine Capital