Un distributeur qui appuie financièrement des restaurateurs. Ce scénario qui peut paraître improbable est pourtant réalité. Sysco Grand Montréal, acteur important dans la vente et la distribution de produits alimentaires dans les restaurants et les hôtels, a décidé d’aider des établissements, notamment en leur remettant près de 20 000 contenants destinés aux plats à emporter et en concluant avec eux de nouvelles ententes de paiement.

Fait plutôt rare également, l’entreprise a lancé une campagne la semaine dernière pour inviter les Québécois à encourager les restaurateurs.

« Il fallait vraiment envoyer un message pour notre industrie. On n’avait comme pas le choix, affirme Guillaume Dubois, président régional de Sysco Grand Montréal, au cours d’un entretien avec La Presse. L’économie de la restauration, ce n’est pas juste la restauration, ce sont les maraîchers, les fournisseurs. C’est beaucoup plus grand qu’un restaurant ou une façade. »

Sysco, dont l’entrepôt au Québec est situé à Boucherville, fait affaire avec des milliers d’établissements de la province. Bien que sa propre entreprise ait aussi enregistré une baisse du volume de ventes, M. Dubois raconte avoir aidé financièrement plusieurs propriétaires d’établissement. « Il y a des clients avec qui ça fait longtemps qu’on fait affaire qui entrent dans une période financière difficile, rappelle-t-il. On est capables de moduler nos ententes de paiement ou d’apporter un soutien financier qui peut aller jusqu’à donner des promesses de relations d’affaires dans le futur. »

M. Dubois fait notamment référence aux salles de réception, dont le calendrier d’évènements est vide en ce moment. Celles-ci devront toutefois être prêtes à accueillir de nouveau des mariages et des bals lorsque la crise sera terminée. Il assure donc que son entreprise est flexible et prête à apporter un soutien financier.

L’entreprise a aussi revu certaines ententes et n’exige plus de montant minimum pour livrer de la marchandise à ses clients.

Du déjeuner… à la pizza

Sysco offre également gratuitement des services-conseils aux restaurateurs qui ne savent plus où donner de la tête depuis la fermeture des salles à manger en zone rouge. Guillaume Dubois donne en exemple un restaurant de déjeuners dont le propriétaire avait décidé de fermer boutique. « On a transformé le restaurant en [établissement] à pizza à emporter. On les a aidés à faire le menu, on s’est assurés qu’ils avaient les bons outils pour faire du take out. Ça leur permet de rester ouverts et de gagner leur vie. »

« Des fois ce sont des [mesures] d’aide qui sont plus grandes que ce que le gouvernement offre à nos restaurateurs actuellement », soutient-il.

Se serrer les coudes

L’Association Restauration Québec (ARQ) salue ces initiatives. S’il admet qu’une telle implication de la part d’un distributeur peut paraître inusitée, François Meunier, vice-président aux affaires publiques de l’ARQ, souligne qu’il y a « une solidarité dans l’industrie ». « On est tous dans le même bateau », dit-il, ajoutant que Service alimentaire Gordon, un autre distributeur, avait contribué aux collectes de fonds organisées par l’ARQ.

Rappelons que plusieurs propriétaires du centre-ville de Montréal ont manifesté en début de semaine, car ils n’avaient toujours pas reçu d’aide de Québec alors que le gouvernement a prolongé la fermeture des salles à manger situées en zone rouge jusqu’au 11 janvier.

M. Meunier, à l’instar de bien des propriétaires et des chefs interrogés par La Presse, a du mal à imaginer que les restaurants puissent rouvrir à cette date. « Je n’ai pas de boule de cristal, mais à voir les chiffres aller, je serais bien étonné. Il y a beaucoup de restaurants qui ne sont pas nécessairement intéressés à ouvrir le 11 janvier. Janvier et février, ce ne sont pas des mois intéressants pour l’industrie. »

Les producteurs de veaux crient à l’aide

Par ailleurs, la fermeture des restaurants et le ralentissement des activités dans le secteur touristique affectent également les producteurs de veaux de lait qui demandent de l’aide directe au gouvernement. « Dans son enquête, le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture démontre que les pertes subies par les fermes s’élèvent à 11 % par animal vendu depuis sept mois », pouvait-on lire dans le communiqué de presse diffusé jeudi par Les Producteurs de bovins du Québec (PBQ). « Dans le secteur des viandes bovines, il n’est pas rare que les marges des producteurs soient d’environ 1 %. La situation actuelle est si critique que des producteurs de veaux de lait se questionnent sérieusement sur la viabilité de leur entreprise à très court terme », affirme Jean-Thomas Maltais, président des PBQ. Les producteurs réclament l’équivalent de 121 $ par veau mis en marché entre le 1er avril et le 31 décembre 2020, car ceux-ci ont été vendus à perte, soutiennent-ils.