L’une des très rares usines de vêtements du centre-ville de Montréal dira vraisemblablement adieu à 278 employés au début de l’an prochain. En affaires depuis 1913, Jack Victor approvisionne des détaillants locaux, en plus d’exporter ses collections pour hommes aux États-Unis.

Discrète, l’entreprise familiale Jack Victor occupe néanmoins d’immenses locaux situés derrière l’église du Gesù et à proximité du Best Buy de la rue Sainte-Catherine. C’est là que ses quelque 1000 employés produisent des costumes, des vestes sport, des tenues de soirée et des pantalons pour hommes.

En tout, 450 détaillants au Canada et aux États-Unis vendent les vêtements cousus dans la rue Saint-Alexandre, selon le site web de Jack Victor. Parmi eux se trouvent de grandes chaînes de luxe comme Bloomingdale’s aux États-Unis, Simons, Ernest, Harry Rosen et des centaines de boutiques indépendantes.

Selon les avis de licenciements collectifs reçus récemment par le ministère du Travail, l’entreprise laissera partir 278 personnes, le 2 février prochain, en raison d’une « force majeure ». Tout employeur qui prévoit licencier plus de 10 personnes doit transmettre ce document au gouvernement.

Invitée à commenter la nouvelle, l’entreprise a fait savoir à La Presse qu’elle n’était pas intéressée. La représentante syndicale Suzy Beaudry, de l’Union des employés et employées de service, section locale 800, n’a pas pu être jointe.

À la Grappe métropolitaine de la mode (mmode), on avait entendu parler de cette réduction de personnel. Même si « c’est triste pour le centre-ville », la directrice générale Debbie Zakaïb a bon espoir que les employés pourront se retrouver du travail puisque le secteur fait face à une pénurie importante de travailleurs.

« Il y a des besoins incroyables en main-d’œuvre de production, dit-elle. On a encore une force manufacturière importante au Québec. Beaucoup d’entreprises cherchent des talents, car il y a du reshoring [rapatriement de la fabrication] notamment pour des raisons éthiques. »

Moins d’habits, plus de protection médicale

Debbie Zakaïb explique aussi que bon nombre d’usines ont réduit leur production habituelle pour se tourner vers l’équipement de protection pour le secteur de la santé, principalement des blouses. « Il y a toute une expertise qui se développe en ce moment », et le secteur de la mode « travaille avec un nouveau ministère, celui de la Santé ».

Évidemment, souligne Mme Zakaïb, les entreprises qui fabriquent des complets et des robes de soirée sont particulièrement touchées par la pandémie. Les ventes de cravates sont également en forte baisse. D’ailleurs, le géant Vêtements Peerless, sur le boulevard Pie-IX à Montréal, a réduit sa production d’habits et s’est lancé dans la fabrication de blouses médicales. Il n’a pas été possible, lundi après-midi, de parler à un dirigeant de Peerless.

Du côté de Vêtement Québec, dont Jack Victor est membre, on observe que tout le secteur de la mode est touché par la pandémie puisque les tendances de consommation changent. Le « loungewear » [linge mou, en québécois], souligne la directrice de projet Aurore Colliaux, est particulièrement prisé en cette époque de télétravail.

« Je ne connais pas un seul manufacturier qui ne s’est pas replié », ajoute Mme Colliaux, en précisant que le « repli » touche autant la mode féminine que masculine.

Selon son site web, l’entreprise Jack Victor – qui possède un bureau à New York – est actuellement dirigée par la troisième génération de Victor. Alan Victor, président et chef de la direction, suit les traces de son père Herschel et de son grand-père Jack.

– Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

Encore beaucoup d’emplois au Québec

– Les fabricants de vêtements et articles de cuir emploient 14 945 personnes au Québec.

– Le Québec regroupe à lui seul presque la moitié (48 %) des emplois canadiens du secteur manufacturier dans l’industrie de la mode.

– Montréal se trouve au troisième rang pour la confection en Amérique du Nord, après New York et Los Angeles.

– Le Québec compte 450 usines de textile.

– Depuis le début de la pandémie, 19 entreprises membres de mmode et TechniTextile ont investi près de 11,3 millions de dollars en machinerie et équipement afin de produire plus de 6 millions de blouses de protection, selon mmode.