(Montréal) Kraft Heinz recommencera à produire du ketchup au Canada l’an prochain à la suite d’un investissement dans son usine montréalaise de Mont-Royal, mais dans l’immédiat, ce sont toujours des tomates américaines que l’on retrouvera dans le populaire condiment.

Il pourrait ainsi s’écouler entre deux et trois ans avant que l’approvisionnement s’effectue majoritairement auprès d’agriculteurs établis de ce côté-ci de la frontière, a expliqué mardi le géant alimentaire américain.

« Nous tentons de favoriser l’approvisionnement local autant que nous le pouvons, en particulier au Québec, mais à l’heure actuelle, avec les ententes en place avec les agriculteurs américains, nous devrons continuer à nous approvisionner là-bas », a fait valoir le directeur administratif de Kraft Heinz Canada, Av Maharaj, au cours d’un entretien téléphonique.

L’entreprise avait été critiquée, il y a environ six ans, lorsqu’elle avait décidé de délocaliser au sud de la frontière la production qui était effectuée à son usine ontarienne de Leamington. Cela avait incité des concurrents, comme la société américaine French’s, à mettre l’accent sur l’achat local pour la production du condiment, dans le but de s’imposer dans le marché canadien.

Kraft Heinz Canada investira 17 millions US (environ 22,4 millions) pour rapatrier une partie de sa production américaine à Montréal afin de répondre au marché canadien. On ajoutera une chaîne de production, dont la mise en service est prévue à l’été, à son usine montréalaise, qui fabrique déjà du beurre d’arachides, le macaroni au fromage Kraft ainsi que du café Maxwell House, entre autres.

M. Maharaj a indiqué que cela s’inscrivait dans le cadre d’un plan visant à injecter environ 100 millions US au cours des « prochaines années » pour moderniser et accroître la capacité du site qui a ouvert ses portes dans les années 1950.

L’ajout de la production de ketchup devrait se traduire par la création de 30 emplois en plus d’en consolider 750 autres. L’entreprise bénéficiera d’un prêt de 2 millions du gouvernement Legault. Il pourrait y avoir un pardon sur la totalité du montant si des seuils d’emplois sont respectés, a indiqué M. Maharaj.

Sur le réseau social Twitter, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, qui avait déposé une stratégie d’achat d’aliments québécois en septembre dernier, a salué l’investissement de Kraft Heinz. Dans un courriel, son cabinet a estimé que l’investissement de Kraft Heinz était « une excellente nouvelle pour le secteur de la transformation alimentaire » et qu’il y aurait des conversations entre l’entreprise et le gouvernement québécois à propos d’approvisionnement local.

« Pour moi, la décision de Kraft relève plutôt d’une question de marketing, a estimé le directeur principal du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois. C’est vraiment pour ajouter une feuille d’érable sur la bouteille afin de protéger le statut de la marque qui est encore numéro un au Canada. »

En ce qui a trait à l’achat de tomates auprès de producteurs américains, M. Charlebois a expliqué que dans l’industrie, les contrats étaient généralement conclus à long terme puisqu’il était difficile pour les agriculteurs de « se revirer sur un dix sous ».

Kraft Heinz avait annoncé en 2018 la fermeture de son centre de distribution de Vaudreuil-Dorion, ce qui avait entraîné l’élimination de 95 emplois. Les activités avaient été déplacées vers ses installations ontariennes de Milton, en banlieue de Toronto.