Leurs profits nets sont en baisse. Ils veulent des politiques publiques et réglementaires qui encourageront les propriétaires d’infrastructures de télécoms à investir dans leurs réseaux. Et ils sont exaspérés de voir qu’Ottawa ne force pas Netflix à percevoir la TPS.

Qui sont-ils ? Bell et Québecor, les deux géants des télécoms qui se livrent une vive concurrence – parfois féroce – en télécoms et en télé au Québec.

Malgré tous leurs litiges – et ils sont nombreux (ex. : redevances des chaînes de télé, accès aux poteaux de téléphone, allégations de pratiques anticoncurrentielles contre Bell) –, Bell et Québecor ont beaucoup de points en commun, comme l’ont rappelé leurs résultats trimestriels dévoilés jeudi.

Tout d’abord, leurs grands patrons Pierre Karl Péladeau (Québecor) et Mirko Bibic (Bell) envoient le même message à Ottawa : les politiques publiques et réglementaires doivent faire en sorte d’encourager les propriétaires d’infrastructures de télécoms à investir dans leurs réseaux.

Deux politiques devant le CRTC préoccupent particulièrement l’industrie des télécoms. Premièrement, l’organisme réglementaire examine les tarifs exigés par les propriétaires de réseaux aux fournisseurs indépendants d’accès internet pour avoir accès à leurs infrastructures. Ensuite, dans le sans-fil, le CRTC doit décider s’il obligera les propriétaires de réseaux sans-fil à louer leurs infrastructures à leurs concurrents, plus précisément aux revendeurs sans-fil (les « MVNO » dans le jargon des télécoms).

Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, s’est dit « encouragé » des commentaires récents du ministre fédéral de l’Industrie Navdeep Bains au fait que les tarifs exigés aux fournisseurs indépendants d’accès internet devaient permettre aux propriétaires de réseaux de dégager un profit raisonnable sur leurs investissements.

« Réduire et freiner les investissements dans le réseau des télécommunications canadien serait la pire chose à faire au Canada et au Québec pour compromettre la productivité et le succès économique », a dit Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor en conférence avec des analystes financiers jeudi.

Mirko Bibic, lui, rappelle les résultats d’une étude d’Opensignal le mois dernier voulant que le Canada ait les réseaux sans fil les plus rapides au monde. « C’est le résultat direct d’une approche gouvernementale et des politiques réglementaires favorables aux [propriétaires d’] infrastructures », a dit le président et chef de la direction de BCE en conférence avec des analystes.

Par ailleurs, Québecor a indiqué jeudi qu’elle gardait la porte ouverte pour lancer son nouveau service Fizz ailleurs au Canada si elle trouve un partenaire prêt à lui louer ses réseaux. Québecor célèbre ces mois-ci le 10e anniversaire de son entrée en téléphonie sans fil au Québec, où l’entreprise détient maintenant environ 20 % des parts de marché.

Bell et Québecor pas d’accord sur la réforme Guilbeault

Les deux rivaux ont toutefois des points de vue opposés sur la réforme proposée cette semaine par le gouvernement Trudeau pour réglementer les webdiffuseurs comme Netflix, Apple TV+, Disney Plus et Spotify. Ottawa veut demander aux webdiffuseurs de financer la production canadienne au même titre que les chaînes de télé canadiennes, qui y consacrent entre 25 % et 45 % de leurs revenus. Pour cette réforme, le grand patron de Bell Mirko Bibic lève son « chapeau au ministre Guilbeault ».

Pierre Karl Péladeau, lui, n’est pas impressionné. « Ce sont des mots et des phrases, mais sans véritables actions. Nous devons déréglementer l’industrie, et le projet de loi n’aborde pas la question de Radio-Canada qui fait de la concurrence illégitime au secteur privé », a-t-il dit.

Par contre, Pierre Karl Péladeau et Mirko Bibic se demandent tous deux pourquoi Ottawa ne force pas Netflix et les autres webdiffuseurs étrangers à percevoir la TPS. « Il faut le faire. Je ne comprends pas pourquoi on ne fait encore qu’en parler », dit Mirko Bibic.

5G : 20 % plus payant pour Bell

En télécoms, l’année 2021 s’annonce comme celle du 5G, une technologie qui commence à être déployée dans plusieurs villes du pays.

L’usage des données des clients 5G est deux fois plus élevé que les clients qui n’ont pas le 5 G.

Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell

Résultat : les clients 5G choisissent un forfait sans-fil environ 20 % plus cher que les autres clients.

Pour le trimestre de juillet à septembre 2020, Bell a vu ses profits ajustés (BAIIA ajusté) chuter de 4,4 % en raison d’un environnement d’affaires marqué par la pandémie de la COVID-19. Les profits ont atteint 2,454 milliards, sur des revenus de 5,787 milliards (- 2,6 % par rapport au même trimestre en 2019). Le bénéfice net attribuable aux actionnaires ordinaires a chuté de 20,2 % pour atteindre 692 millions. L’action de BCE a perdu 2,1 % de sa valeur jeudi pour terminer à 53,23 $ à la Bourse de Toronto durant une séance où l’indice TSX s’est apprécié de 1,9 %.

De son côté, Québecor a vu ses profits trimestriels ajustés (BAIIA ajusté) augmenter de 0,8 % pour atteindre 513 millions, sur des revenus de 1,11 milliard (+ 3,6 % par rapport au même trimestre en 2019). Le bénéfice net attribuable aux actionnaires a chuté de 21 % pour atteindre 140,9 millions. L’action de Québecor s’est appréciée de 0,9 % jeudi pour terminer la séance à 31,74 $.

Chez Québecor, les profits de la division des télécoms (qui représente 94 % des profits de l’entreprise) ont augmenté de 3 % pour atteindre 483,3 millions, tandis que les profits de la division médias ont diminué de 24 % pour atteindre 24,9 millions.

Fait inusité : les profits de la division sports et divertissement de Québecor ont augmenté malgré la pandémie de la COVID-19, qui a forcé l’arrêt des activités au Centre Vidéotron à Québec. La division sports et divertissement comprend à la fois la gestion du Centre Vidéotron, deux équipes de hockey junior, la firme d’organisation d’événements Gestev et les activités de livres et de musique de Québecor. Les profits trimestriels de cette division ont augmenté de 10 %, passant de 6,9 millions à 7,6 millions. Québecor indique que cela est dû aux économies salariales réalisées en raison des programmes gouvernementaux liés à la COVID-19.

Rectificatif :
Cet article a été corrigé afin de refléter correctement la position de Québecor concernant les tarifs aux revendeurs internet et l’accès aux réseaux sans-fil pour les revendeurs sans-fil. Une version précédente de ce texte contenait en effet une erreur dans une citation attribuée à Pierre Karl Péladeau – et de ce fait dans la position de Québecor. Nos excuses.