En théorie, le quincaillier québécois Canac a frappé le gros lot ce week-end. Le jeune pilote qu’il commandite en série NASCAR, Raphaël Lessard, a gagné sur le prestigieux super ovale de Talladega, propulsant le logo de Canac sur des écrans des quatre coins de l’Amérique. En pratique, c’est moins évident.

Le nom de Canac a probablement été prononcé plus souvent en Alabama et sur les ondes du réseau télévisuel américain FOX que dans l’île de Montréal au cours des dernières heures.

Établi à Québec, Canac compte 31 magasins, tous situés au Québec. Du lot, la grande région de Montréal en compte à peine deux, en dehors de l’île. L’intérêt commercial d’une commandite en NASCAR et d’une visibilité nord-américaine n’est pas évident.

« Vous avez tout compris, ce n’est pas évident », concède d’entrée de jeu le vice-président au marketing de Canac, Patrick Delisle.

Ce n’est pas vraiment une commandite rationnelle, c’est une commandite de passion. On s’est dit qu’on pouvait aider un petit gars du Québec avec un vrai talent.

Patrick Delisle, vice-président au marketing de Canac

Âgé d’à peine 19 ans, Lessard en est à sa première année dans le grand circuit NASCAR. Il évolue au sein de la série des camionnettes, troisième échelon en importance du circuit.

Selon son agent, Alan Labrosse, il bénéficie déjà depuis quelques années du soutien financier d’investisseurs discrets de la région, qui ont mis sur pied une société en commandite qui pourrait éventuellement leur rapporter une part des gains du pilote s’il atteint le plus haut niveau.

Mais il fallait davantage pour faire le saut en NASCAR. Ces investisseurs, amis avec le président et chef de la direction de Canac Jean Laberge, ont rencontré ce dernier en compagnie de M. Labrosse en Floride, en février dernier. Le jeune pilote venait de terminer sa première course où, sans obtenir de résultat, il avait pu afficher son potentiel.

PHOTO JOHN BAZEMORE, ASSOCIATED PRESS

Raphaël Lessard

Coup de chance

L’entente de commandite permet à Canac d’occuper la position de commanditaire principal pendant cinq courses cette saison. Coup de chance, celle de Talladega samedi dernier, où Lessard a remporté sa première victoire, était l’une d’elles. Le nom et le logo de Canac occupaient donc les meilleurs emplacements sur la voiture et la combinaison du pilote, en plus des uniformes des membres de son équipe.

Compte tenu de la faible étendue géographique de Canac, l’impact de cette grande visibilité reste mineur, convient M. Delisle.

« On s’accroche beaucoup au fait que c’est diffusé à RDS et qu’il y a des passionnés parmi nos clients », dit-il, mais il ne faut pas voir dans cette commandite l’intention de Canac de se lancer aux États-Unis, ou même d’un bout à l’autre du Canada.

Impossible à rentabiliser

S’il refuse de préciser la valeur du contrat, M. Delisle parle de « montants significatifs ».

« Ça va au-delà de la raison. »

Selon M. Labrosse, il y a normalement trois façons pour un commanditaire comme Canac de profiter de son investissement : nouer de nouvelles relations d’affaires, notamment en invitant des clients aux courses, faire voir son nom partout en Amérique du Nord et revendre une partie ou la totalité de l’espace auquel il a droit à une autre entreprise.

La COVID-19 a éliminé la première option. « Même moi, je ne peux pas y aller, avec la frontière et tout », note M. Labrosse. La deuxième a un intérêt limité pour Canac. Quant à la troisième, Canac en a bénéficié une fois cette saison en partageant l’espace avec un de ses fournisseurs, Richelieu. Celui-ci détient un réseau de ventes aux États-Unis. Il s’agit toutefois d’un élément mineur, convient M. Labrosse.

« À chacune des cinq courses, on essaie de mettre ça de l’avant sur nos canaux, et on a senti, tant sur les réseaux sociaux qu’en magasin, qu’il y a effectivement des passionnés parmi notre clientèle », affirme M. Delisle.

« On y va une année à la fois. S’il se rend dans la grosse ligue, ce ne sera plus pour Canac. On n’est pas là pour être en NASCAR, on est là pour que Raphaël puisse prendre son envol. »