L’histoire se répète pour l’usine de Bombardier Transport à La Pocatière, alors que l’absence de commandes fait craindre le pire aux employés, qui sollicitent une fois de plus les gouvernements dans l’espoir d’éviter un dénouement malheureux.

Une fois la seconde commande des voitures Azur du métro de Montréal complétée, vers le mois de juin, on ne retrouvera qu’entre 40 et 60 travailleurs, comparativement à près de 420 actuellement, sur ce site situé dans le Bas-Saint-Laurent, s’inquiète le président du syndicat des employés, Claude Michaud, au cours d’un entretien téléphonique.

« Dans quelques mois, on va être en panne de contrats, a-t-il déploré mardi. On craint la mise à pied de nombreux travailleurs si rien n’est fait rapidement. »

On retrouvait plus de 1400 travailleurs sur le site au début des années 2000. Depuis, le couperet est tombé à maintes reprises. Pas plus tard qu’en 2018, le gouvernement libéral de Philippe Couillard avait déposé un projet de loi afin de devancer une commande de nouvelles voitures Azur pour épauler Bombardier.

M. Michaud a pris part mardi à une sortie effectuée par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), qui représente les travailleurs de La Pocatière, à laquelle participait le maire Sylvain Hudon, afin de réclamer un coup de pouce pour que l’usine puisse poursuivre ses activités lorsqu’elle passera dans le giron d’Alstom — qui exploite déjà un site à Sorel-Tracy — au début de la prochaine année.

Une autre mauvaise nouvelle les attendait puisque Bombardier et VIA Rail ont confirmé, en début de journée, l’annulation d’un contrat de 54 millions octroyé à l’entreprise québécoise en 2018 pour la rénovation de voitures.

« (Cela) représente une érosion additionnelle pour notre usine, a souligné une porte-parole de la société québécoise, Annick Robinson. Nous devons redoubler nos efforts pour obtenir des contrats supplémentaires pour ainsi stabiliser la masse critique nécessaire pour la continuité du site. »

Plusieurs demandes

Dans le but de gonfler le carnet de commandes de l’usine, ses travailleurs et les autorités locales demandent l’intervention du gouvernement Legault afin d’accélérer le renouvellement du parc de voitures du métro de Montréal et une exigence de contenu local d’au moins 25 % pour de futurs contrats de transport collectif — comme pour le tramway de Québec et le prolongement du Réseau express métropolitain REM — afin de favoriser le site de La Pocatière.

M. Michaud a dit comprendre que les demandes formulées surviennent au moment où les finances publiques sont minées par la crise sanitaire.

« Le premier ministre (François) Legault a fait une sortie publique il n’y a pas longtemps en disant qu’il fallait investir dans le transport collectif, a affirmé le représentant syndical. Je pense que c’est le moment. »

À moins d’un important coup de pouce de la part des gouvernements, la Société de transport de Montréal (STM) n’a pas l’intention d’accélérer le remplacement du parc de voitures de métro. Sa porte-parole, Amélie Régis, a souligné qu’un programme avait été mis de l’avant afin de prolonger jusqu’en 2036 la durée de vie des voitures MR-73 — commandées en 1973.

« Il n’est pas question pour le moment de devancer une commande pour des voitures Azur », a-t-elle affirmé.

Des revers

En plus d’avoir vu les contrats pour la fourniture du matériel roulant du REM et pour la livraison de trains à VIA Rail lui échapper — deux ententes où il n’y avait pas d’exigences de contenu local —, Bombardier est confrontée à des exigences en matière de contenu local de plus en plus élevées aux États-Unis.

Actuellement, en ce qui a trait aux projets de transports publics, au moins 70 % du coût de tous les composants doivent être fabriqués aux États-Unis et l’assemblage final doit s’effectuer en territoire américain.

« Les exigences ont été resserrées sous l’administration Trump et je crois qu’il y aura une continuité même s’il y a un changement (après le scrutin présidentiel de novembre), a précisé le professeur Karl Moore, du département de gestion de l’Université McGill, en entrevue téléphonique. C’est une tendance qui est là pour rester et elle représente un défi pour l’usine de La Pocatière. »

En ce qui a trait au contrat annulé, Bombardier et VIA Rail ont indiqué que la décision avait été prise d’un « commun accord ».

Des problèmes techniques « imprévus » avec les 17 voitures construites dans les années 1950, qui devaient faire l’objet de rénovations, ont entraîné une « réévaluation des travaux », a indiqué dans un courriel un porte-parole de la société d’État, Karl-Philip Marchand Giguère.