(New York) Jane Fraser, qui remplacera en février Michael Corbat à la tête de Citi, va devenir la première femme à diriger une grande banque américaine dans un monde de la finance encore largement dominé par les hommes.

Au sein de la société depuis 16 ans, Mme Fraser avait été nommée en octobre 2019 à la direction de la division de banque de détail, devenant ainsi de facto la numéro deux du groupe et la mieux placée pour accéder à la fonction suprême.  

« Nous pensons que Jane est la bonne personne pour s’appuyer sur le bilan de Mike et faire passer Citi au niveau supérieur », a affirmé John Dugan, le président du conseil d’administration de la banque, dans le communiqué annonçant sa nomination.  

« Elle possède une expérience approfondie de nos secteurs d’activité et de nos régions et nous avons toute confiance en elle », a-t-il ajouté.  

Mme Fraser, âgée de 53 ans et née en Écosse, apportera aussi un peu de diversité au sein d’un monde très majoritairement masculin.

Certaines femmes y occupent des postes de premier ordre, à l’instar de la patronne de la société d’investissement Fidelity, Abigail Johnson.

Mais ce sont encore des hommes, blancs, qui dirigent JPMorgan Chase, Bank of America, Wells Fargo, Goldman Sachs, Morgan Stanley ou Citi.

En avril 2019, les patrons de sept grands établissements de Wall Street avaient été interpellés par des parlementaires qui leur avaient demandé, au cours d’une audition télévisée, si leur successeur serait une femme ou une personne issue des minorités. Aucun n’avait répondu.

Citi, la quatrième banque américaine en termes d’actifs, comptait déjà sept femmes à son conseil d’administration, composé de seize membres. Nommée avec effet immédiat au sein de l’instance de direction, Mme Fraser y devient la huitième.

Elle rejoindra en février le tout petit cercle des patronnes de grandes entreprises cotées à la Bourse de New York : selon l’organisation Catalyst, seulement 31 des quelque 500 sociétés représentées au sein de l’indice S&P 500 étaient dirigées par une femme en début d’année. Soit 6 %.

Période compliquée

Michael Corbat prend sa retraite après 36 ans chez Citi, dont il avait été nommé directeur général en 2012.

« Nous avons terminé notre transformation engagée après la crise financière et sommes devenus une institution plus simple, plus sûre et plus solide », s’est-il félicité dans le communiqué.  

Le bénéfice net de la banque, durement touchée pendant la crise financière de 2007-2009, est passé de 7 milliards en 2012 à près de 20 milliards en 2019, a-t-il aussi mis en avant.

Citi gère désormais environ 200 millions de comptes bancaires dans 160 pays.

Comme toutes les autres grandes banques, l’établissement traverse une période compliquée avec la pandémie. Le groupe a notamment dû mettre 5,6 milliards de dollars de côté pour faire face aux impayés de ses clients au deuxième trimestre, et son bénéfice a fondu de 73 %.

Son chiffre d’affaires a toutefois augmenté de 5 % sur la période, l’envol de ses activités de banque d’investissement et de courtage compensant le repli des revenus tirés de la banque de détail.

Mariée et mère de deux enfants, Mme Fraser est actuellement responsable de cette division où elle supervise les activités de banque auprès des particuliers et PME, de gestion d’actifs, de crédits, les cartes de crédit et les technologies.

Diplômée des universités de Cambridge, en Grande-Bretagne, et d’Harvard, aux États-Unis, elle a notamment travaillé chez Goldman Sachs et McKinsey avant de rejoindre Citi en 2004.

Elle y a notamment dirigé les services des fusions et acquisitions, de la banque privée, de la banque aux particuliers et aux entreprises aux États-Unis ainsi que la région Amérique latine.  

« Je ferai tout mon possible pour rendre toutes nos parties prenantes fières de notre entreprise en continuant à bâtir une banque meilleure et à améliorer nos rendements », a-t-elle assuré jeudi.

La dirigeante peut se prévaloir d’un CV « éblouissant » et d’une expérience « de premier ordre » à ses précédents postes, a estimé Kenneth Leon, spécialiste des banques pour le cabinet CFRA.  

M. Corbat est parvenu à « stabiliser la banque après la crise financière », souligne-t-il dans une note. L’établissement est désormais « bien positionné pour réussir une fois que la situation reviendra à la normale sur le marché américain », estime-t-il.