La cimenterie gaspésienne de Port-Daniel, qui fait l’objet de rumeurs de vente, a été une « grave erreur » des gouvernements précédents qui a provoqué des « pertes importantes », selon le premier ministre François Legault, qui ferme également la porte à une nouvelle intervention financière de l’État.

Il a été interrogé sur le sujet, lundi, à Montréal, au moment où la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) serait en train de négocier pour vendre sa participation dans ce complexe qui compte environ 200 employés et qui s’est accompagné d’une facture salée de 1,6 milliard en raison d’importants dépassements de coûts.

« Les Québécois ont déjà beaucoup investi dans la cimenterie, a répondu M. Legault. C’est sûr que par nationalisme, j’aimerais qu’une compagnie québécoise soit prête à investir. Le gouvernement du Québec n’ira pas investir tout seul. »

Le conglomérat brésilien Votorantim, dont les bureaux canadiens sont situés à Toronto, discuterait avec la Caisse, qui n’a jamais caché son désir de quitter l’aventure un jour. Béton Provincial s’est également montrée intéressée, d’après son inscription au Registre des lobbyistes du Québec, où elle dit vouloir une aide publique de 150 millions pour conserver la propriété québécoise de Ciment McInnis – l’exploitant de la cimenterie.

Certains estiment que si la CDPQ retire ses billes en forçant une transaction, cela se traduirait par d’importantes pertes pour l’institution et Investissement Québec (IQ) – le bras financier de l’État québécois. À plus d’une reprise, la cimenterie avait fait l’objet de critiques de la part de la Coalition avenir Québec quand elle siégeait dans l’opposition. Le parti dirigé par M. Legault critiquait l’ampleur du soutien public accordé à ce projet.

« Avec des centaines de millions en Gaspésie, on aurait pu créer bien plus que 200 emplois », a renchéri le premier ministre.

Le porte-parole de la CDPQ, Maxime Chagnon, n’a pas voulu s’avancer sur les options qui étaient sur la table.

« Comme on l’a dit plusieurs fois par le passé, la Caisse n’est pas un exploitant de cimenterie à long terme, et nous restons ouverts aux occasions », a-t-il indiqué dans une déclaration envoyée par courriel.

Beaucoup plus cher

Le chantier avait été annoncé en grande pompe par le gouvernement péquiste de Pauline Marois en 2014 et devait être piloté par Beaudier, la société d’investissement de la famille Beaudoin-Bombardier, qui faisait partie des actionnaires. Il avait finalement coûté 1,6 milliard, soit environ 450 millions de plus que prévu, en raison des dépassements de coûts qui sont survenus alors que le Parti libéral du Québec, qui avait donné le feu vert au projet, était au pouvoir.

La CDPQ avait injecté plus de 450 millions dans le projet depuis 2014, alors qu’Investissement Québec détient pour 100 millions en capital-actions en plus d’avoir consenti un prêt de 250 millions.

Après avoir pris le contrôle du projet en 2016 en écartant la famille Beaudoin-Bombardier, la participation de la Caisse dans Ciment McInnis s’établissait à 27,5 % en date du 31 décembre dernier, selon son plus récent rapport annuel. Elle détient toutefois la moitié des sièges du conseil d’administration ainsi qu’un « vote prépondérant en cas d’impasse ».

L’institution évaluait sa participation dans l’entreprise entre 300 millions et 500 millions.

« Les prévisions, au départ, c’est que le projet allait être moins coûteux et que les perspectives [de marchés allaient être meilleures], a souligné l’expert en gouvernance et professeur à l’Université Concordia Michel Magnan, au cours d’un entretien téléphonique. Il y a bien des choses qui ont changé depuis ce temps. Les perspectives économiques pour les deux prochaines années ne sont pas des plus reluisantes. Une question se pose pour la Caisse : si j’attends, est-ce que ça sera mieux ? »

Pour sa part, le maire de Port-Daniel–Gascons, Henri Grenier, a dit voir d’un bon œil l’intérêt manifesté par de potentiels repreneurs.

Au bout du fil, celui qui dirige la municipalité d’environ 2240 âmes a estimé que cela signifiait que la cimenterie « va bien ».

« Ça fait déjà une bonne année que ça se parle que la Caisse allait se départir de ses actions, a souligné M. Grenier. Si ça allait vraiment mal, je ne pense pas que des gens se pointeraient pour tenter d’acquérir la cimenterie. De ce côté-là, je vois cela d’un bon œil. »