Les restaurateurs appréhendent l’arrivée de l’automne. Selon eux, la fin de la saison des terrasses et le refus de certains clients de s’attabler à l’intérieur en raison des risques de propagation feront mal à l’industrie, à un point tel que beaucoup de propriétaires croient qu’ils ne retrouveront pas un volume de ventes acceptable avant un an.

« Ça va être une grosse “drop”. Une grosse, grosse “drop”, lance sans détour Marc-André Royal, chef propriétaire du St-Urbain. C’est de la survie totale. Il n’y a plus rien à faire en restauration. Pour nous, il va y avoir des mises à pied, c’est sûr. »

« L’été a été bon pour nous, reconnaît-il toutefois en ajoutant que le restaurant a réduit ses heures. C’était pas mal plein tout le temps. On a trouvé que les gens dépensaient beaucoup plus. On a eu des ventes incroyables. En quatre soirs, on faisait quasiment autant qu’en 10 services les années précédentes. Il y a quelque chose d’assez hallucinant. »

Mais avec l’arrivée du temps froid et la fermeture de ses deux terrasses, il sera amputé de 20 places d’un seul coup. À l’intérieur, l’établissement situé dans le quartier Ahuntsic pourra accueillir tout au plus 25 clients, avec l’application des règles de distanciation physique. « C’est rien », admet-il.

À Québec, dans le quartier Saint-Roch, les terrasses ont également sauvé les meubles au restaurant mexicain DEUX22, dit l’une des copropriétaires, Alex Desbiens. « On a une terrasse en cour intérieure. La Ville a un super beau programme de terrasse en avant. On a pu regagner des places manquantes », raconte-t-elle.

Ce serait mentir que de dire que l’automne ne nous effraie pas. On espère que les gens vont avoir envie de profiter des terrasses le plus longtemps possible et qu’ils vont y rester jusqu’au mois d’octobre avec de petits manteaux.

Alex Desbiens, copropriétaire du DEUX22

Mais lorsque les clients ne seront plus à l’aise à l’extérieur, même avec leur manteau, le DEUX22 aura un maximum de 20 places à leur offrir à l’intérieur. « On essaie de remanier notre local pour aller en chercher 10 autres. On espère pouvoir rouler à 30 places, explique Alex Desbiens. Mais j’avoue que le mois de novembre nous fait vraiment peur avec le retour des grippes et des rhumes. »

« On est juste plus fragiles »

S’il ne dispose pas de tables extérieures, Victor Afonso, copropriétaire du restaurant Tapeo, dans le quartier Villeray, a lui aussi connu un bel été. « Je suis plein tous les soirs, assure-t-il. Ce qui nous aide aussi, c’est qu’on n’est pas frappés par l’effet tourisme, l’effet travailleurs du centre-ville. Parce qu’on est dans un quartier. »

L’arrivée de l’automne commence toutefois à se faire sentir, admet-il. Déjà, pour la semaine prochaine, il constate qu’il y a moins de réservations. « C’est sûr que quand je regarde mes réservations de la semaine prochaine avec la rentrée, je vois déjà un petit recul, une petite baisse si je compare à ce qu’on a vécu depuis la réouverture des restaurants. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Victor Afonso, copropriétaire du restaurant Tapeo

C’est sûr que la rentrée va nous toucher, comme elle nous touche toutes les années. Mais je pense que cette année, on est juste plus fragiles. On a moins de places, on a trois mois à rattraper.

Victor Afonso, copropriétaire du restaurant Tapeo

Inquiétudes des clients

En plus de voir leur capacité d’accueil réduite, des restaurateurs se disent conscients que certains de leurs clients ne seront pas à l’aise de s’attabler en salle à manger avec des portes et des fenêtres fermées. « Je dois avouer que j’ai hâte de voir la réaction des clients parce que, maintenant, on garde toutes les portes ouvertes, à l’intérieur, c’est très aéré », raconte Maxime Saine, copropriétaire du restaurant Leméac, dans Outremont.

« Déjà, les gens vont beaucoup sur la terrasse, rappelle-t-il. Il y a des clients qui ne sont pas à l’aise d’être à l’intérieur même si toutes les portes sont ouvertes. Alors j’imagine que quand tout va être fermé, il y a des gens qui vont s’abstenir d’aller au restaurant. »

Pour ce qui est d’un retour à la « normale » permettant d’ouvrir à plein rendement, les restaurateurs ne se bercent pas d’illusions. La plupart espèrent que l’été prochain sonnera le début d’une nouvelle ère. « On espère que, l’été prochain, ça va bien aller, dit Marc-André Royal. Mais là, on n’a aucun signe que ça va bouger [en ce qui concerne les deux mètres]. En théorie, on ne s’en va pas dans une belle saison. »

« J’espère que pour l’été prochain, je pourrai mettre mes lunettes roses et dire qu’on va revenir à un simili équilibre », ajoute pour sa part Alex Desbiens.