Des travailleurs du détaillant Dollarama appuyés entre autres par des dirigeants syndicaux ont tenu jeudi après-midi une manifestation dans le nord-ouest de Montréal afin de protester contre leurs salaires et leurs conditions de travail.

« Nous ne faisons que survivre, nous ne vivons pas une vie heureuse », a résumé un employé de Dollarama à qui La Presse canadienne a accordé l’anonymat puisqu’il craignait d’être congédié s’il s’exprimait publiquement.

L’employé, un nouvel arrivant qui opère un chariot élévateur dans l’entrepôt montréalais, demande « humblement » que son salaire soit augmenté afin de « nourrir adéquatement » sa famille.

C’est un travail « très dur », a-t-il dit, ajoutant se sentir « pas loin d’être exploité ».

Il participait à la manifestation parce que, comme ses collègues, il reproche à la direction du géant montréalais du commerce au détail d’avoir aboli le 2 août les primes de risque de 10 % versées depuis mars dernier à ceux qui travaillent dans les magasins, de même que la hausse de 3 $ du salaire horaire des travailleurs en entrepôts.

Ces primes avaient été accordées en raison des risques associés au nouveau coronavirus.

« Le fait que la famille de Dollarama, des multimilliardaires, ne veut pas augmenter le salaire tandis que les travailleurs risquent leur vie est incroyable, inadmissible et immoral », a lancé en entrevue Noëlle Didierjean, la coorganisatrice de la manifestation et organisatrice communautaire au Centre des travailleurs et travailleuses immigrants.

Selon elle, les travailleurs de l’entreprise reçoivent un « salaire de misère » qui devrait être de toute façon plus élevé à longueur d’année.

« Pourrez-vous dormir la nuit ? », aimerait bien demander Mme Didierjean à Neil Rossy, le grand patron, s’il acceptait d’accompagner l’espace d’une journée un de ses travailleurs qui se lève à 4 h du matin pour se rendre à un travail « déjà difficile à la base » dans lequel il « risque chaque jour » sa propre santé et sécurité ainsi que celles de sa famille.

Un employé qui travaille sur cet horaire croit que M. Rossy « ne réussirait même pas » à compléter une journée dans ses souliers. Il songe lui-même à démissionner tant le travail est pénible, comme beaucoup d’autres collègues, assure-t-il.

Les travailleurs mécontents estiment que les risques qu’ils prennent chaque jour au travail n’ont pas changé et que le salaire ne devrait pas changer non plus.

Les organisateurs affirment que Dollarama ne respecte pas plusieurs mesures sanitaires, dans les salles dédiées aux pauses, par exemple, où les travailleurs s’entassent au point où il serait littéralement impossible de respecter les mesures de distanciation.

Des travailleurs auraient été licenciés après avoir critiqué la compagnie quant à un non-respect des mesures de distanciation.

Lors du trimestre qui a pris fin le 3 mai dernier, Dollarama a réalisé un bénéfice de près de 86,1 millions. En comparaison au même trimestre en 2019, la taille moyenne des transactions a augmenté de 22,6 %, mais le nombre de transactions a diminué de 17,9 %, les consommateurs étant sortis moins souvent, mais ayant dépensé davantage lors de leurs visites.

Dollarama a décliné une demande d’entrevue de La Presse canadienne en réaction à la manifestation, sans vouloir non plus préciser si son président et chef de la direction accepterait d’expérimenter le travail d’un employé.

L’entreprise a cependant transmis un courriel où elle dit suivre les recommandations de la Santé publique et affirme que les allégations sur les conditions de travail se sont révélées « infondées et entièrement fausses » au terme d’une enquête.

Selon le détaillant, les salaires qu’il offre sont « très compétitifs » et son taux de rétention est stable.