Les centres commerciaux sont au cœur de la « contre-performance » du portefeuille immobilier de la Caisse de dépôt depuis le début de l’année. Si bien que la valeur de ce type de propriété a été réduite dans les livres de la Caisse. Mais impossible pour le moment de savoir quelle a été l’ampleur de la radiation d’actifs.

« Nous avons appliqué un regard sans complaisance sur la valeur de cette catégorie d’actifs [les centres commerciaux]. Nous sommes lucides et avons été conservateurs sur les valeurs », a assuré le PDG de la Caisse de dépôt, Charles Émond, au cours d’une téléconférence portant sur les résultats semestriels.

Aucun chiffre sur cette radiation d’actifs n’a toutefois été divulgué.

Pour les six premiers mois de l’année, le portefeuille immobilier (qui inclut aussi des espaces de bureaux et du résidentiel) affiche un rendement de - 11,7 %.

Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge (filiale immobilière de la Caisse), a promis de « revenir avec des chiffres plus détaillés en fin d’année ».

La dirigeante a rappelé que depuis quelques semaines, la valeur des centres commerciaux « est fortement impactée ». « On le voit à la fois dans les sociétés publiques et dans les indices immobiliers. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge

De fait, le géant Brookfield Property Partners, qui exploite des dizaines de centres commerciaux aux États-Unis, a annoncé jeudi une perte de 1,5 milliard US, « principalement attribuable à la réduction de la valeur des actifs de son portefeuille ». Et plus près de nous, Cominar a réduit de 165 millions la valeur de ses propriétés (voir encadré ci-dessous).

Au Canada, Ivanhoé Cambridge possède 25 centres commerciaux, dont le Centre Eaton à Montréal et Laurier Québec. Jusqu’ici, les effets de la COVID-19 ont été « très importants », qu’il s’agisse des fermetures forcées pendant des semaines ou de l’explosion du commerce en ligne.

25 centres, 25 solutions

Face à la crise que traversent les centres commerciaux, la filiale promet de « poursuivre activement, de façon ordonnée, la transformation de son portefeuille » annoncée en début d’année, et même de l’accélérer.

Dans la gestion des centres commerciaux, nous avons dû prendre des décisions difficiles, parfois douloureuses, mais nécessaires.

Nathalie Palladitcheff, présidente et cheffe de la direction d’Ivanhoé Cambridge

Ces dernières semaines, La Presse a révélé qu’une bonne majorité des vice-présidents responsables de la gestion des centres avaient été remerciés et qu’une firme de New York avait été embauchée pour prêter main-forte aux employés qui restent.

(RE)LISEZ notre dossier « Des Américains à la rescousse d’Ivanhoé Cambridge »

L’un des piliers du plan de transformation d’Ivanhoé Cambridge est la réduction de son exposition aux centres commerciaux. Le chef de l’investissement et de l’innovation, Sylvain Fortier, a affirmé à La Presse qu’il était « très possible » que la filiale vende le tiers de sa participation dans son portefeuille canadien.

« Nous déployons 25 solutions pour nos 25 centres », a pour sa part résumé Mme Palladitcheff en donnant trois exemples.

La vente d’un centre est « très avancée », a-t-elle révélé. Un autre centre faisant l’objet d’un projet de densification résidentielle « est dans sa phase de négociation finale », et dans un troisième centre, non nommé, un entrepôt de logistique prendra la place d’un ancien magasin Sears.

Accompagner, mais pas acheter

Si les temps sont durs pour les centres commerciaux, c’est qu’ils ne le sont pas moins pour leurs locataires.

« De nombreux détaillants sont en difficulté avec des ventes au détail en baisse de plus de 30 % », a déploré M. Émond.

Mais pas question pour Ivanhoé Cambridge de faire comme d’autres grands propriétaires immobiliers aux États-Unis qui s’organisent pour acheter des détaillants dans l’espoir de les sauver de la faillite.

« Ce n’est pas un mode envisagé, dit Mme Palladitcheff. Et d’ailleurs, il n’y a pas de demande spécifique, nous n’avons pas été approchés par les détaillants pour faire ce type d’accompagnement. »

Ivanhoé Cambridge soutient tout de même ses détaillants, fait valoir la dirigeante. « On a été un accompagnateur de nos enseignes pendant cette période. Comme vous savez, on leur a permis d’accéder aux mesures gouvernementales mises en place. Plus de 1500 de nos locataires ont pu participer au programme [l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC)]. »

Cominar diminue de 165 millions la valeur de ses centres commerciaux

La COVID-19 a durement frappé Cominar. La société immobilière de Québec a enregistré une perte nette de 318,1 millions à son deuxième trimestre clos le 30 juin, ce qui se compare à un bénéfice net de 51,5 millions au cours de la même période l’an dernier. La pandémie a eu une « incidence défavorable importante » sur les résultats, a résumé le président et chef de la direction, Sylvain Cossette. Cominar, qui possède notamment le Mail Champlain, à Brossard, et le Centre Rockland, à Montréal, a déclaré une baisse de 320,6 millions de la juste valeur marchande de son portefeuille, dont 165 millions sont liés aux centres commerciaux avec galerie marchande. « Nous estimons que, en dépit de la fermeture des entreprises et des centres commerciaux, nous recevrons environ 90 % du total des loyers facturés pour le trimestre écoulé, dont 75 % ont déjà été reçus », a précisé M. Cossette. De plus, le loyer net moyen des baux renouvelés a crû de 12,7 % pour le trimestre (+ 2,8 % au trimestre correspondant en 2019). Afin de maintenir sa « souplesse financière » et de « résister à la volatilité associée à la pandémie », Cominar réduit sa distribution, qui passe de 0,72 $ à 0,36 $ par part sur une base annuelle (de 0,06 $ par mois à 0,03 $).