(Montréal) Alors que le plan de relance du Cirque du Soleil est critiqué par ses créanciers, l’entreprise de divertissement les invite plutôt à participer aux enchères s’ils tiennent à ce point à en devenir les nouveaux propriétaires.

Dans le cadre d’une audience qui s’est déroulée jeudi dernier devant un tribunal des faillites au Delaware, les avocats de la compagnie québécoise ont répliqué à certaines des doléances exprimées par le groupe formé de 13 institutions, dont la firme torontoise Catalyst Capital Group, qui détient sa dette garantie d’environ 1 milliard US.

« Il y a une solution très simple ici, ils peuvent participer au processus et nous les invitons, fait valoir l’un des avocats qui représentent le Cirque, Aparna Yenamandra, dans une transcription. C’est exactement ce pour quoi le processus a été mis sur pied. »

Au Canada, le Cirque, qui est privé de revenus en raison de la pandémie de COVID-19, s’est tourné vers la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), une décision qui s’est notamment soldée par 3480 licenciements. En territoire américain, une protection similaire a été sollicitée — et obtenue — auprès des tribunaux.

Les créanciers de la société ont mal digéré la convention d’achat intervenue avec les actionnaires actuels, le fonds texan TPG Capital, la firme chinoise Fosun et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Les prêteurs estiment que cette proposition ne devrait pas être considérée comme le point de départ des enchères.

Ils estiment que c’est plutôt leur offre, qui ne prévoit pas de soutien financier de l’État québécois et maintiendrait le siège social du Cirque à Montréal, qui devrait être privilégiée. C’est ce qu’ils veulent notamment faire valoir lors de la prochaine audience prévue le 10 juillet devant la Cour supérieure du Québec.

Si l’entreprise de divertissement s’est placée à l’abri de ses créanciers, ce n’était pas pour couper l’herbe sous le pied à ses créanciers, mais parce que ses finances seraient encore plus serrées à la fin du mois de septembre, lorsque le processus actuel doit culminer, puisque les liquidités s’amenuisent à chaque semaine.

« La réalité est que nous n’avions tout simplement plus suffisamment de temps devant nous pour faire avancer leur proposition [aux prêteurs] », a fait valoir MYenamandra.

Pas d’urgence

De son côté, l’avocat qui représente le groupe de créanciers, Evan Fleck, a plutôt fait valoir que le Cirque n’avait pas besoin de faire appel aussi rapidement à la LACC — une décision qu’il a qualifiée de « choquante » pour ses clients — en rappelant qu’un financement d’urgence de 50 millions US avait été obtenu mai dernier.

Étant donné qu’il y a toujours de l’argent dans les coffres, MFleck s’est demandé pourquoi l’entreprise de divertissement avait décidé de conclure, de manière précipitée, une convention d’achat avec ses actionnaires actuels.

L’offre des propriétaires du Cirque, qui valorise la compagnie à environ 420 millions US, propose l’injection de 300 millions US, notamment grâce au prêt de 200 millions US offert par Investissement Québec. En échange d’une restructuration de la dette, les créanciers obtiendraient 45 % du Cirque ainsi qu’une dette non garantie de 50 millions US, alors que les actionnaires actuels se partageraient les 55 % restants. Ils mettront sur pied deux fonds totalisant 20 millions US pour épauler les travailleurs du Cirque et payer les pigistes qui attendent toujours.

« Jusqu’à maintenant, la débitrice n’a fourni aucune justification, à notre avis, qui semble crédible pour justifier ce qui semble être une négociation [de gré à gré avec ses actionnaires] », a fait valoir MFleck.

Pour sa part, le groupe de créanciers proposait une conversion de la dette garantie en actions pour mettre la main sur la totalité du Cirque, ce qui aurait écarté les actionnaires actuels. D’après un document déposé auprès de la Cour supérieure du Québec, les prêteurs étaient prêts à bonifier leur mise en injectant 375 millions US d’argent neuf, par rapport à 300 millions US initialement.