Nombreux sont les investisseurs qui souhaitent participer à une relance du Cirque du Soleil. Le dernier en date est la firme Catalyst Capital qui, en rachetant le gros de la dette du Cirque, est devenue incontournable pour le contrôle futur de l’entreprise.

Bien que sa situation se soit aggravée en raison de la pandémie, le Cirque était déjà titubant. Sans soutien, il ne serait plus capable d’offrir des emplois (et encore moins de verser les salaires dus) et de bonnes occasions aux jeunes Québécois.

Je parle en connaissance de cause, puisque j’ai fait partie de ces jeunes artistes du Cirque du Soleil au début de ma carrière et cette expérience m’a influencé pour le reste de ma vie.

Les occasions que le Cirque du Soleil m’a fournies ont mené à la création de ma propre compagnie de cirque, qui m’a amené en tournée dans plus de 20 pays.

Basé sur mon expérience, je crois que si le Cirque souhaite retrouver ses succès d’autrefois et continuer à créer de bonnes occasions pour les talents créateurs du Québec, il doit profondément modifier son modèle d’affaires.

En effet, force est de constater que le Cirque du Soleil s’était éloigné de ses origines au cours des dernières années.

Cette situation découle en grande partie du virage que l’organisation avait pris, passant d’une activité certes artistique mais rentable à une initiative d’affaires rationnelle. Bien que cette démarche ait procuré des profits et des gains de productivité à court terme, ceux-ci se sont avérés illusoires à long terme.

Le problème des « trois prises »

L’un des premiers effets visibles de la transition du Cirque vers un modèle plus « professionnel » a été l’érosion graduelle de son bassin de talents créateurs. Depuis, le modèle est en proie à ce que j’appelle le problème des « trois prises ».

Un client assiste à son premier spectacle du Cirque. Comme la plupart des spectateurs partout dans le monde, il est époustouflé par tout ce talent et toute cette créativité, et devient un client conquis.

Cependant, à son deuxième spectacle, étant donné que plusieurs productions sont faites dans le même moule et que le prix des billets est assez élevé, le client se demande s’il en a bien eu pour son argent.

La renommée du Cirque est telle que le client accepte de lui accorder une troisième chance. Cette fois, les lacunes dans le renouvellement créatif sont évidentes. Après ces trois prises, le client ne reviendra plus.

Le temps est venu pour le Cirque de rééquilibrer son approche

Je crois que si le Cirque du Soleil souhaite renouer avec le succès, il doit se soumettre à une longue introspection. À commencer par le rééquilibrage de son approche en vue de procurer à l’équipe créative, aux artistes et aux talents une participation accrue au processus de création, en plus de bonifier le régime de rémunération afin d’attirer des forces fraîches et de les conserver.

L’harmonisation entre la créativité québécoise et une nouvelle équipe de gestionnaires professionnels qui comprend bien l’industrie du cirque et qui n’hésite pas à innover devrait constituer la combinaison gagnante et ainsi contribuer à relever la valeur à long terme. Aussi, il pourrait valoir la peine de tenter de mettre à profit une marque aussi reconnue à l’international que celle du Cirque du Soleil en explorant de nouveaux marchés comme ceux de la restauration et de l’hôtellerie.

Si cela devait se produire, la majorité de sa clientèle serait ravie de donner une « deuxième » chance au bâton au Cirque du Soleil.