Après avoir piqué du nez à cause de la pandémie de COVID-19, la reprise, bien que fragile, est plus vigoureuse que prévu du côté des jets d’affaires, a constaté Bombardier, qui écarte de nouveaux licenciements et la nécessité d’un soutien financier gouvernemental, pour le moment.

Si l’avionneur a besoin d’un coup de pouce pour traverser les turbulences provoquées par la crise sanitaire, son président et chef de la direction, Éric Martel, préférerait même se tourner vers le secteur privé plutôt que de cogner à la porte des gouvernements.

« Nous continuons de discuter avec (les gouvernements fédéral et du Québec), mais nous ne sommes pas dans une posture où nous avons besoin d’aide », a déclaré l’ancien président-directeur général d’Hydro-Québec, jeudi, dans le cadre d’un point de presse en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires — où l’indemnité de départ consentie à l’ex-patron Alain Bellemare, pouvant atteindre 17,5 millions, s’est invitée.

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Alain Bellemare

M. Martel n’a pas eu le temps de chômer après avoir pris les commandes de l’entreprise, le 6 avril dernier. La COVID-19 a paralysé l’économie mondiale, et le secteur des avions d’affaires, vulnérable aux aléas de l’économie et vers lequel Bombardier effectue son recentrage, n’a pas échappé au ralentissement.

Ainsi, il y a deux semaines, l’entreprise a annoncé le licenciement de 2500 personnes, soit 11 % de sa division aviation, alors qu’elle anticipe une baisse des livraisons de l’ordre de 30 % des jets d’affaires au sein de l’industrie au cours des 12 prochains mois. Quelque 1500 employés québécois ont écopé.

« Nous avons effectué les ajustements de cadence que nous avions à faire et nous allons continuer à progresser avec (l’effectif) que l’on a », a dit M. Martel, en réponse à une question sur la possibilité qu’il y ait de nouveaux licenciements.

Il y a eu moins d’une « dizaine d’annulations » au niveau des commandes, a-t-il dit, ce qui est loin des « plusieurs dizaines » observées lors de la crise financière de 2008.

Culture et transparence

Dans son message aux actionnaires, le nouveau dirigeant de Bombardier a répété qu’il était nécessaire de changer la culture de l’entreprise en plus d’insister sur la nécessité de faire preuve de transparence et de prévisibilité en matière de résultats financiers, sans toutefois blâmer son prédécesseur.

Sous la gouverne de M. Bellemare, la compagnie a entrepris un douloureux plan de redressement visant à alléger sa lourde dette de plus de 9 milliards US. Cela s’est traduit par la vente de plusieurs actifs, une sortie de l’aviation commerciale et la cession de Bombardier Transport, mais également par des retards et des problèmes d’exécution, particulièrement dans la division ferroviaire, ce qui a miné la réputation de l’entreprise.

« Je pense que sur le plan opérationnel, il y a des choses qui, dans les dernières années, expliquent certains de nos résultats », a dit M. Martel.

Celui-ci a même affirmé que son équipe avait commencé à se pencher sur un nouveau « plan stratégique » qui pourrait être présenté aux actionnaires vers la fin de l’année ou au début de 2021. Il n’est pas question d’étudier des options comme la vente d’actifs ou la fermeture du capital de la société, a précisé M. Martel, mais plutôt d’évaluer les occasions d’affaires qui s’offrent à Bombardier dans le cadre de son virage.

Encore les salaires

Dans le cadre du rendez-vous annuel, le président du conseil d’administration de Bombardier, Pierre Beaudoin, a estimé que l’indemnité de départ octroyée à M. Bellemare n’était pas « atypique » lorsqu’on la compare à ce qui se fait ailleurs.

À la suite d’une nouvelle fronde de grands investisseurs institutionnels, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui ont décidé de s’opposer à l’approche de l’avionneur en matière de rémunération, le petit-fils de Joseph-Armand Bombardier a été interpellé sur la question.

« Le conseil (d’administration) a respecté ses obligations (contractuelles qui) ont été négociées de bonne foi et qui ne sont pas atypiques quand on prend le temps de les comparer à ce qui est observé au sein de plusieurs sociétés publiques canadiennes et américaines », a répondu M. Beaudoin, à une question du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires.

En plus d’une somme équivalant à deux années de salaires, M. Bellemare aura droit à un paiement spécial de 4,9 millions si la vente de Bombardier Transport à Alstom, annoncée en février dernier, juste avant son départ, se concrétise.

Cet arrangement de départ avait été particulièrement critiqué par la CDPQ, qui l’avait jugé « excessif ».

En dépit de la vague d’opposition, la proposition entourant l’approche non contraignante de Bombardier en matière de rémunération a tout de même été acceptée dans une proportion de 94,52 %. Grâce aux actions à droits de vote multiples, la famille Beaudoin-Bombardier contrôle 50,9 % des droits de vote alors qu’elle ne détient qu’une fraction des quelque 2,4 milliards d’actions en circulation.