C’est presque une amende record au Canada : Facebook doit payer 9 millions de dollars pour avoir faussement fait croire aux Canadiens pendant sept ans qu’il ne partagerait pas leurs données personnelles avec des tiers, selon le Bureau de la concurrence.

Quel est le problème ?

Dans ce cas-ci, ce n’est pas tant que le réseau social Facebook donnait accès aux renseignements personnels de ses utilisateurs à ses développeurs tiers. C’est plutôt que, selon les conclusions du Bureau de la concurrence, Facebook a « donné l’impression » à ses utilisateurs de protéger leurs renseignements personnels dans les déclarations de confidentialité alors qu’en pratique, Facebook a permis à certains développeurs tiers d’utiliser les messages publiés sur Facebook et Messenger entre 2012 et 2018. Le Bureau de la concurrence a conclu que les indications de Facebook à ses utilisateurs sur la collecte et l’utilisation de leurs données personnelles étaient « fausses ou trompeuses ». Le Bureau de la concurrence et Facebook se sont entendus à l’amiable mardi, mettant fin à leur litige devant le Tribunal de la concurrence. Le Bureau de la concurrence a ouvert son enquête sur les pratiques de Facebook en matière de protection des données personnelles dans la foulée du scandale Cambridge Analytica, qui a éclaté aux États-Unis en mars 2018.

Une amende de 9 millions de dollars, est-ce beaucoup ?

Oui et non. La loi fédérale prévoit une amende maximale de 10 millions pour une première infraction. L’amende de 9 millions imposée à Facebook est la deuxième amende en importance imposée par le Bureau de la concurrence, après l’amende maximale de 10 millions imposée à Bell dans un dossier de publicité trompeuse en 2011. Pour Facebook, ce montant de 9 millions est toutefois peu élevé : l’entreprise génère des revenus estimés à environ 10 milliards US au Canada durant une année. « Les Canadiens sont en droit de s’attendre à ce que les entreprises leur disent la vérité dans l’économie numérique, et les indications sur la protection des renseignements personnels ne font pas exception. Qu’il s’agisse de multinationales comme Facebook ou de plus petites entreprises, le Bureau de la concurrence n’hésitera pas à sévir contre les entreprises qui donnent aux Canadiens des indications fausses ou trompeuses sur la façon dont elles utilisent leurs données personnelles », a déclaré Matthew Boswell, commissaire de la concurrence du Canada.

Facebook peut-il continuer d’agir ainsi ?

Non. En vertu de son entente avec le Bureau de la concurrence, Facebook doit cesser de donner des indications fausses ou trompeuses à ses utilisateurs en matière de protection de leurs renseignements personnels. Facebook doit ainsi mettre en place un programme de conformité similaire à celui que l’entreprise a implanté aux États-Unis dans la foulée du scandale Cambridge Analytica sur l’utilisation des données par des tiers. Facebook a payé une amende de 5 milliards US aux États-Unis dans le dossier Cambridge Analytica. Au Canada, Facebook affirme avoir déjà amélioré les déclarations de confidentialité de ses utilisateurs ainsi que la protection de leurs renseignements personnels.

L’entreprise reconnaît-elle sa faute ?

En vertu de cette entente avec le Bureau de la concurrence, Facebook « n’accepte pas les conclusions » du Bureau, mais « cherche néanmoins à dissiper les préoccupations relevées » au cours de l’enquête. Facebook ne contestera pas les conclusions du Bureau de la concurrence devant le Tribunal de la concurrence. « Nous comptons poursuivre notre relation fructueuse avec le commissaire et le Bureau de la concurrence. Nous tablons sur les améliorations que nous avons apportées à la protection des renseignements personnels des utilisateurs et à la façon que nous informons les Canadiens au sujet des contrôles de la confidentialité mis à leur disposition », a indiqué Facebook dans une déclaration écrite.

Est-ce que cette amende de 9 millions au Canada a rapport avec le scandale Cambridge Analytica ?

Dans l’affaire Cambridge Analytica, les données personnelles de 87 millions d’usagers de Facebook (principalement aux États-Unis) ont été vendues — sans le consentement des usagers — par un développeur tiers de Facebook à des fins de campagnes de marketing politique, notamment pendant le cycle électoral américain de 2018. Le Bureau de la concurrence a ouvert son enquête sur les pratiques de Facebook en matière de protection des données personnelles dans la foulée du scandale Cambridge Analytica. L’enquête du Bureau ne concerne toutefois pas les données de Cambridge Analytica, et Facebook affirme n’avoir pas de preuve que des données d’utilisateurs canadiens ont été partagées avec la firme Cambridge Analytica.