Si jamais le gouvernement donnait son feu vert pour que les élèves retournent en classe avant la fin de la présente année scolaire, les bars devraient eux aussi avoir le droit de recommencer à servir leurs clients, soutient la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec (CPBBTQ), qui estime que de 15 % à 25 % des établissements pourraient mettre la clé sous la porte si les activités ne reprennent pas d’ici un mois ou deux.

« Si les enfants peuvent se côtoyer [à l’école], les adultes peuvent le faire aussi », affirme Renaud Poulin, directeur général de la CPBBTQ. Il ajoute du même souffle que la règle des deux mètres de distance, à l’école comme dans un bar, est plutôt difficile à respecter.

« Quand j’entends les mots “distanciation sociale”, je ne vois pas comment on peut ouvrir un bar, ajoute pour sa part Pierre Thibault, copropriétaire de la Taverne Saint-Sacrement à Montréal. On va regarder ce qui se passe avec les écoles. Quand elles vont ouvrir, je pense que ça va être une indication que les bars et les restos vont ouvrir [aussi]. »

Par ailleurs, comme plusieurs tenanciers de bars contactés par La Presse, Renaud Poulin ne souhaite pas que le type d’établissement qu’il exploite soit parmi les derniers à ouvrir. La Corporation n’hésitera donc pas à justifier une possible ouverture des bars si jamais les enfants obtiennent le droit de reprendre le chemin de l’école. Le directeur de la Corporation, qui représente 1200 entreprises dans tout le Québec, dit recevoir chaque jour des appels de membres qui jonglent avec l’idée de cesser leurs activités de façon définitive. Selon lui, près du quart ne survivra pas à cette crise.

« C’est épeurant », lance pour sa part Pierre Thibault, également instigateur du mouvement #unbarcestunepme. Il doit payer chaque mois 15 000 $ en frais fixes, notamment le loyer et les dépenses en électricité. Il souligne que les tenanciers de bar ont besoin d’un peu d’oxygène. Il milite pour que, d’ici à ce que les activités reprennent, les bars soient admissibles au Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), un financement d’urgence administré par Investissement Québec. Or, tous les secteurs sont admissibles, sauf les bars, les entreprises qui sont dans la production ou la distribution d’armes ou toute autre activité « de nature à porter atteinte à la moralité ». « On n’a pas d’affaire là, dénonce M. Thibault. On veut que le gouvernement nous reconnaisse à juste titre comme toutes les PME. » Il salue toutefois l’aide de 40 000 $ – par établissement – annoncée par le gouvernement fédéral.

« Bien que le PACTE ne permette pas de financer les bars, ceux-ci sont admissibles au programme d’aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises administré par les MRC, mis en place pour soutenir les PME qui éprouvent des difficultés financières en raison de la COVID-19 et qui ont besoin de liquidités d’un montant inférieur à 50 000 $ pour leur fonds de roulement », explique pour sa part Isabelle Fontaine, directrice principale médias et affaires gouvernementales à Investissement Québec.

De plus, le programme de subvention salariale du gouvernement du Canada, qui finance les salaires jusqu’à 75 %, et le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, s’appliquent à beaucoup d’entreprises, dont les bars.

Pour les tenanciers de bar qui ne sont pas propriétaires de leur immeuble, c’est dévastateur.

Jean-Jacques Beauchamp, président du conseil d’administration de la CPBBTQ, également propriétaire de la taverne La Chic Régal dans le quartier Pointe-Saint-Charles à Montréal

Il souligne que les loyers allant de 3000 $ jusqu’à 10 000 $ par mois doivent être payés, même si aucune bière n’est servie à l’intérieur des établissements. Selon lui, ce sont près de la moitié d’entre eux qui pourraient mettre fin à leurs activités dans le cas où la situation actuelle perdurerait pendant des mois. Rappelons que plus tôt cette semaine, le bar Chez Roger, figure emblématique du quartier Rosemont, a annoncé sa fermeture à la suite d’une mésentente concernant le bail et également en raison de la crise de la COVID-19, expliquait le propriétaire, Normand Guérin, sur la page Facebook de son établissement.

Collecte de fonds

Par ailleurs, certains établissements multiplient les moyens pour demeurer en vie. C’est le cas du bar Le Record, situé dans le quartier Villeray. François Gadbois et son partenaire d’affaires, Stéphane Brunet, ont décidé, il y a un peu plus d’une semaine, d’organiser une collecte de fonds ayant pour objectif de recueillir 2500 $. « Au départ, notre réflexe, c’était d’être un peu gênés de faire ça, admet M. Gadbois, ajoutant que cette somme ne couvre même pas les dépenses pour un mois. Mais il faut gratter quelque part. Chaque sou est important. Plus on s’endette, plus notre temps de survie est menacé. » Au bout de huit jours, Le Record avait recueilli 2260 $.

Plus au nord, à L’EtOH Brasserie, l’équipe s’est mise la semaine dernière à embouteiller la bière qu’elle brassait pour ensuite la revendre aux clients qui l’apportent à la maison. Le bar parvient à vendre 200 bouteilles par jour, estime l’un des propriétaires, François Bélanger. « On va couvrir nos frais, on va payer le loyer », assure-t-il.