Les petits commerces souffrent, eux aussi. Le loyer pèse, avec l’évanescence des revenus. Car les fleurs, hélas, ne sont pas essentielles, comme le constate la fleuriste Carole Girard.

« Je suis déprimée, parce que je suis propriétaire d’un fleuriste-boutique cadeaux depuis 28 ans… », nous a-t-elle écrit.

Pourtant, les fleurs respirent le bonheur… Mais elles ne sont pas essentielles, semble-t-il. Fleuriste St-François, la petite boutique de Carole Girard, a fermé le 24 mars, comme des milliers d’autres.

« J’espère toujours lire dans La Presse un article ou un témoignage d’un propriétaire de petit commerce comme moi… »

C’est le sien qu’elle lira.

L’appel téléphonique l’a rejointe au moment où elle garait sa voiture derrière son commerce lavallois. 

J’entre par en arrière pour que personne ne pense que j’ouvre un commerce illégal. Je viens au magasin tous les jours. Je fais du réaménagement, ça m’occupe.

Carole Girard

Sa boutique donne sur le stationnement d’un petit centre commercial de quartier qui compte une quinzaine d’établissements. Elle tient son commerce seule, assistée à l’occasion de deux dames.

« Je suis une ancienne policière », confie-t-elle au passage – la fleur était au bout du fusil.

Bien que la boutique soit fermée, les comptes ne disparaissent pas pour autant. Elle doit payer le loyer (« 4000 $, comme trois belles grosses hypothèques »), les taxes commerciales, la location du terminal de cartes de crédit, les assurances, l’électricité…

On le sait, les fleurs vivent « ce que vivent les roses, l’espace d’un matin ». Les invendues à la fermeture sont perdues.

Pour compliquer encore les choses, son conjoint, courtier immobilier, est lui aussi au point mort.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le commerce de Carole Girard

« Avec les 2000 $ qu’on va peut-être avoir du fédéral, je pense plus à manger qu’à payer mon loyer commercial ! », lance-t-elle.

Devant le vide, elle a tout le loisir de se faire du mauvais sang. Déprimée, écrivait-elle ? « Façon de parler ! Pas au point de prendre des centaines de pilules ! »

Mais suffisamment préoccupée pour ne pas aggraver son cas en consommant des médias à outrance. « La seule affaire que je lis, c’est La Presse le matin, et j’écoute Legault le midi. »

Et il lui faut compter avec les prophètes de malheur. « Il y a tous les survivalistes qui t’appellent pour te dire de stocker du poulet ! », décrit-elle avec humour.

« Et là, tu as les conseils de tous les financiers de ce monde : ferme donc ça tout de suite, fais donc faillite, monte tes cartes de crédit… Il y a beaucoup d’experts, de ce temps-ci ! »

Curieux printemps

Comme pour beaucoup de commerces, le printemps aurait dû être signe de renouveau financier…

« C’est notre grosse période, parce que c’est Pâques et la fête des Mères. Même si on ouvrait le 1er mai, nos fleurs, qui viennent de partout dans le monde, n’arriveront pas ! Beaucoup proviennent de la Colombie, de la Thaïlande. Et le relais est à Miami. Ça ne marchera pas ! »

Elle ignore combien de mois de loyer elle devra acquitter sans revenu. 

C’est sûr que j’ai un peu d’économies, je ne suis pas allée faire la file à la banque alimentaire, mais quand même ! Ça ne pourra pas durer éternellement !

Carole Girard

Tout n’est pas sombre, heureusement. Quand les rassemblements seront à nouveau permis, les anniversaires en retard seront peut-être célébrés avec embrassades et fleurs à brassées, évoque-t-elle.

Et un parfum d’humanité flotte doucement…

Les fleurs délaissées du petit commerce n’ont pas été perdues pour tout le monde. Plutôt que de les jeter, Carole Girard les a données à l’animatrice de la résidence pour personnes âgées voisine. « Tenir un commerce de quartier, ce n’est pas comme être dans un grand centre commercial, explique-t-elle. C’est la proximité et la gentillesse avec la clientèle qui fait que ça fonctionne et que les gens achètent local… »

Qui peut dire où vont les fleurs ? exprimait une chanson des années 60.

Rassurez-vous, Carole, elles reviennent toujours.

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