Alors que la situation est catastrophique au Cirque du Soleil avec une imposante dette et une aide gouvernementale qui ne vient pas pour l’instant, l’organisation doit envisager de se placer à l’abri de ses créanciers. Selon nos informations, cela fait partie des trois options qui restent pour le Cirque.

L’option privilégiée par le Cirque est une aide gouvernementale. La deuxième avenue possible est une injection additionnelle d’argent par les actionnaires existants (le fonds américain TPG, le groupe chinois Fosun et la Caisse de dépôt et placement du Québec). Mais si la situation se prolonge et que l’aide attendue n’arrive pas, la protection des créanciers pourrait être nécessaire.

« La chose importante est de savoir ce que le gouvernement fera, explique une source proche de la direction du Cirque, mais qui demande de ne pas être nommée parce qu’elle n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement sur ces questions. Le Cirque est la seule grande entreprise mondiale du pays dont les activités sont arrêtées à 100 %. Chaque semaine qui passe est très importante. Les choses changent chaque semaine. »

Le Cirque traîne une dette d’environ 1 milliard. Mais l’entreprise n’a plus aucun revenu maintenant que les 44 spectacles en représentation dans le monde ont été arrêtés en raison de la pandémie. La direction du Cirque a d’ailleurs annoncé la semaine dernière la mise à pied de 95 % de son effectif, soit 4679 employés.

Dans un rapport daté du 18 mars, l’agence de notation américaine Moody’s évoque un risque de défaillance « élevé » d’ici la fin de l’année.

« Un faible niveau de liquidités, une demande peu vigoureuse et des conditions économiques difficiles vont accroître la pression sur la flexibilité opérationnelle du Cirque et sur sa capacité à effectuer des investissements une fois que les spectacles auront repris », écrit Moody’s.

La concentration des activités de l’entreprise à Las Vegas, où elle génère environ 35 % de ses revenus, figure parmi les principaux risques qui guettent le Cirque, est-il précisé.

Pour la période de 12 mois terminée en septembre dernier, le Cirque a généré des revenus de 950 millions US, selon l’agence new-yorkaise. Pour la prochaine année, l’entreprise aura besoin d’au moins 165 millions US, estime Moody’s, alors qu’elle avait accès à 120 millions US – ce qui comprend sa facilité de crédit – à la fin de 2019.

« Le groupe collabore avec l’ensemble de ses partenaires, ainsi qu’avec les gouvernements fédéral et provinciaux, afin de déterminer comment soutenir la compagnie de la meilleure façon possible et se préparer à un retour aux [activités] dès que la pandémie sera maîtrisée », a écrit une porte-parole, Caroline Couillard, dans un courriel à La Presse canadienne, jeudi.

Aide espérée

La semaine dernière, La Presse avait demandé au PDG du Cirque si la crise actuelle pourrait conduire l’entreprise à se mettre à l’abri de ses créanciers. Il n’avait pas nié.

« On n’en est pas là », avait répondu Daniel Lamarre. Il ajoutait avoir « bon espoir » qu’avec l’aide du gouvernement, le Cirque s’en sortirait.

« La seule raison pour laquelle on pourrait éprouver des difficultés financières, c’est si la crise persistait et que personne ne venait nous aider, mais ce n’est pas le cas », soulignait Daniel Lamarre, qui souhaite notamment l’aide d’Investissement Québec. « Les mesures annoncées par [le ministre de l’Économie] Pierre Fitzgibbon [dans son plan d’aide de 2,5 milliards] vont nous aider et vont faire en sorte que les banques seront plus patientes avec les grandes entreprises. »

Daniel Lamarre considère la dette du Cirque comme des « investissements ». Pas question de vendre des actifs pour l’instant, avait-il dit.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que TPG a investi beaucoup depuis deux ans, que ce soit pour l’acquisition de groupes de divertissement, la création de nouveaux spectacles, la construction ou la rénovation de nos théâtres, et là on entrait dans une phase d’optimisation, où on s’apprêtait à rentabiliser nos investissements. On avait un plan de trois ans. » 

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Daniel Lamarre, PDG du Cirque du Soleil

Avant la pandémie, on n’avait pas de problème de liquidités. On était dans une bonne situation financière.

Daniel Lamarre, PDG du Cirque du Soleil

Le mois dernier, celui qui était considéré comme le numéro deux du Cirque, Jonathan Tétrault, a quitté l’entreprise. Jonathan Tétrault, président et chef de l’exploitation, était au service du Cirque depuis quatre ans. Il était responsable de l’ensemble des opérations de l’entreprise et supervisait les activités de développement.

Quelques jours après l’annonce du départ de Jonathan Tétrault, on apprenait que le fondateur du Cirque, Guy Laliberté, vendait sa participation restante de 10 % à la Caisse de dépôt.

La Presse rapportait l’été dernier que le Cirque envisageait une émission publique d’actions et une inscription à la Bourse. Le PDG Daniel Lamarre avait confirmé en novembre que ce projet était en attente « pour le moment », arguant que le marché boursier n’était pas favorable.

Le Cirque avait été vendu en 2015 pour environ 1,75 milliard US au groupe dirigé par TPG Capital.

— Avec La Presse canadienne