(Québec) « Là, on a un gros vent de face. C’est la course la plus difficile à laquelle j’ai participé. »

C’est au bord des larmes que Louis Garneau, ex-olympien devenu entrepreneur, a détaillé mardi les graves ennuis financiers de son entreprise, qui tente d’éviter la faillite.

Louis Garneau Sports, spécialisée dans les vêtements de vélo, doit 32 millions à ses créanciers. L’entreprise s’est placée sous la protection de la Loi sur la faillite mardi. Le même jour, la direction a mis à pied 66 employés de son siège social de Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec.

« La semaine dernière, il n’était pas question que je fasse un avis d’intention. J’ai parlé à plein d’investisseurs. Mais les gens sont plus intéressés après la restructuration qu’avant », a expliqué le président fondateur de Louis Garneau Sports aux journalistes.

Il espère que se placer à l’abri de ses créanciers permettra la relance de l’entreprise. Mais les dettes sont substantielles. Les deux principaux créanciers sont Investissement Québec et la Banque Royale. Sur les 32 millions dus, 18 millions sont garantis.

« Ils ont des hypothèques sur la bâtisse, les stocks, les comptes à recevoir, précise Jocelyn Renaud, de Raymond Chabot Grant Thornton, qui supervise la restructuration. « On a aussi près de 500 créanciers non garantis d’un peu partout dans le monde. »

Deux « gros flats »

Comment l’entreprise numéro un du vêtement cycliste au Canada, qui exporte dans 40 pays et semblait florissante a-t-elle pu se rendre aussi près du précipice ? Louis Garneau ne s’est pas défilé. Pendant une vingtaine de minutes, il a répondu aux questions des journalistes.

« Ç’a commencé il y a 36 mois avec la faillite de deux gros clients à l’international, Evans Cycles en Angleterre et Performance aux États-Unis », explique l’homme d’affaires de 61 ans.

La perte de ces deux clients – « comme deux gros flats » – a diminué le chiffre d’affaires. L’entreprise a manqué de liquidités. Devant le gouffre, l’équipe financière a même quitté l’entreprise, explique Louis Garneau.

« Je peux vous dire qu’on a perdu l’information financière à un moment donné », admet-il.

Mais Louis Garneau a aussi reconnu avoir commis certaines erreurs. Il s’admet parfois entêté. « J’ai été le dernier à arrêter de faire des casques au Canada. J’attends toujours de perdre de l’argent, je suis un peu excessif comme ça. »

Il pense aussi que les mises à pied auraient pu venir plus vite. « J’ai tout fait pour ne pas couper d’emploi, par solidarité avec mes employés, jusqu’à tant que la banque me dise «tu coupes ou c’est nous autres qui allons te couper» ».

Il concède, sur une note plus personnelle : « D’avoir nommé à 27 ans mon fils directeur général, je pense que j’avais été un peu trop vite. »

Louis Garneau dit maintenant chercher une nouvelle équipe financière. Il affirme être même prêt à céder son contrôle de l’entreprise si un investisseur majoritaire se présente.

Plus que 80 employés au Québec

Les mises à pied « temporaires » effectuées mardi suivent la fermeture de l’unité textile en septembre dernier. Louis Garneau Sports avait alors mis à pied 46 employés, surtout des couturières, qui produisaient des vêtements à Saint-Augustin-de-Desmaures.

L’entreprise mise désormais sur 150 employés au Mexique et 50 aux États-Unis pour assurer la production.

Après les 66 départs de mardi et les 46 de septembre, il ne reste plus que 80 employés au Québec. Mais M.  Garneau tient mordicus à garder le siège social ici, pour maintenir les emplois de conception notamment.

Selon lui, s’entêter à produire au Québec aurait été une erreur. « On ne peut plus manufacturer des produits comme ça ici, alors qu’on est en compétition avec la Chine », dit-il. « On a cassé le vieux modèle manufacturier au Québec et j’ai envie d’aller ailleurs avec l’entreprise. »

Louis Garneau dit toujours croire à son entreprise. La restructuration pourrait mener à la croissance, jure-t-il.

Mais il concède qu’il vit des moments difficiles. Il réalise qu’être entrepreneur est plus ardu qu’être athlète. Ils semblent loin ces jours de 1983 lors desquels lui et sa conjointe fondaient l’entreprise dans le garage de son père.

« On a tout donné Monique et moi. On a mis de l’argent de notre fonds de pension. Mon épouse apparaît dans le document de Raymond Chabot tout de suite après la Banque Royale et Investissement Québec », dit-il.

« Moi et ma blonde on perd plusieurs millions qu’on a réinvestis juste avant les Fêtes parce qu’on y croyait encore, explique Louis Garneau. Je n’ai rien à me reprocher. J’ai fait mon possible. »