Un changement dans la méthode de réapprovisionnement des magasins Stokes conjugué à l’implantation de deux nouveaux systèmes informatiques a suffi à provoquer de graves problèmes financiers en quelques mois. Aux prises avec des dettes de près de 23 millions, le détaillant québécois doit maintenant fermer le tiers de ses points de vente.

« Dans une entreprise qui est stable et en santé, ça ne devrait pas causer une dégringolade comme celle-là. Mais la vente au détail est un domaine fragile en ce moment. Les [habitudes] d’achat des consommateurs ont changé », fait valoir Olivier Benchaya, syndic responsable du dossier de Stokes chez Richter.

Comme bien d’autres détaillants, Stokes fait face depuis quelques années à des vents contraires : compétition accrue de géants, popularité des achats en ligne, hausses du salaire minimum et loyers élevés dans les centres commerciaux, énumère le premier rapport du syndic.

Si l’année 2016 s’est soldée par un profit, des pertes totalisant environ 2,9 millions ont été enregistrées en 2017 et 2018. Mais c’était gérable.

Une goutte a finalement fait déborder le vase : l’implantation laborieuse de deux nouveaux systèmes informatiques (un progiciel de gestion intégrée et un système de gestion d’entrepôt), à l’été 2019.

Comme on changeait, au même moment, la méthodologie pour sélectionner les produits devant être expédiés en magasin, Stokes s’est retrouvé avec des tablettes vides « particulièrement pendant les mois les plus achalandés » que sont novembre et décembre.

La Banque Scotia garde confiance

Pour minimiser l’impact sur les ventes, « la durée et la magnitude des promotions ont été augmentées », ce qui a eu pour effet de réduire les marges de profit.

Résultat, pour les 11 derniers mois de l’année 2019, Stokes s’est retrouvé avec une perte avant impôts de 6 millions.

Olivier Benchaya estime que la méthode de réapprovisionnement choisie par Stokes (appelée pick by store dans le jargon) n’était pas appropriée, même si elle fonctionne bien dans le secteur de la mode.

Ça prend beaucoup trop de temps, c’est lourd. Donc, ç’a été une grave erreur.

Olivier Benchaya

Et le retour en arrière ne se fait pas du jour au lendemain.

Le rapport de Richter nous apprend aussi que l’entreprise fondée en 1953 s’est alors retrouvée « en violation de certaines clauses » dans son contrat avec la Banque Scotia, qui a voulu se faire rembourser son prêt de quelque 9,7 millions. Incapable de le faire, le détaillant a eu recours à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité le 18 février.

« À la suite de la présentation de notre plan de redressement, la Scotia a accepté de nous accorder son support [financier] », a précisé M. Benchaya. Ainsi, le détaillant n’a pas à se trouver un autre prêteur.

Fermeture de 47 magasins

La liquidation des stocks d’une quarantaine de magasins Stokes et Think Kitchen commencera dans les prochains jours en vue de leur fermeture prévue en mai. Le processus sera orchestré par Tiger Asset Solutions Canada, spécialisé dans ce domaine.

Parmi les 44 magasins qui fermeront au Canada, 8 se trouvent au Québec. En outre, les trois magasins sur le sol américain – au New Hampshire (2) et au New Jersey (1) – cesseront leurs activités à la fin du mois. Stokes avait l’intention de prendre de l’expansion au sud de la frontière, mais le projet n’a pas porté ses fruits.

Les documents officiels comprennent aussi une liste de 21 autres magasins qui pourraient fermer si les négociations avec les propriétaires des centres commerciaux ne donnent pas les résultats souhaités. Parmi eux, neuf se trouvent au Québec.

Stokes compte actuellement 147 magasins au Canada, dont 75 au Québec.

Les fermetures de magasins entraîneront la suppression d’environ 400 emplois sur 1400.

Selon le Registraire des entreprises du Québec, Stokes appartient à son président Jordan Shiveck, à la fiducie de sa famille, à la fiducie de la famille de Stuart Shiveck ainsi qu’à une entreprise appartenant notamment à Morris Shiveck. Le siège social est situé rue Ferrier, à Mont-Royal.