(Montréal) La dernière année n’a pas été de tout repos chez Agropur, qui, en plus d’avoir vu son excédent net et les ristournes dégringoler, a dû verser près de 6,4 millions en indemnités de départ à des hauts dirigeants, soit environ sept fois plus qu’en 2018.

Au total, neuf membres du conseil de direction de la coopérative ont quitté, dont quatre dans la foulée d’une restructuration mise de l’avant par le nouveau chef de la direction Émile Cordeau, qui a remplacé Robert Coallier l’automne dernier.

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Le nouveau chef de la direction, Émile Cordeau

« J’ai fait des changements, je vais prendre le blâme », a expliqué M. Cordeau, au côté du président Roger Massicotte, mercredi, lors d’un point de presse en marge de la 81e assemblée d’Agropur, à laquelle les représentants des médias ne pouvaient assister.

En octobre dernier, au lendemain de la nomination de M. Cordeau, la coopérative avait annoncé son intention de mettre la clé sous la porte de son usine de crème glacée de Lachute, dans les Laurentides, en août, qui compte 177 employés. Le mois suivant, c’est 125 employés-cadres qui perdaient leur emploi à travers le pays.

Il n’a toutefois pas été possible de savoir quel montant a été versé à M. Coallier, qui était le chef de la direction depuis février 2012.

Interrogés, les dirigeants d’Agropur n’ont pas voulu préciser davantage les informations publiées dans le rapport annuel de la coopérative. Selon M. Massicotte, même les membres ne semblent pas au courant de la somme octroyée à l’ex-chef de la direction.

« On ne parle pas de ce sujet en public, a laissé tomber le président d’Agropur. On laisse cela à l’interne. »

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Le président d’Agropur, Roger Massicotte

En tenant compte des indemnités de départ, la rémunération globale des 11 membres du conseil de direction et des 13 administrateurs a totalisé 16,6 millions l’an dernier, par rapport à 12,9 millions en 2018 — un montant qui tenait compte d’indemnités de départ de 922 000 $.

Du pain sur la planche

Le nouveau chef de la direction de la coopérative propriétaire des marques de yogourt Ïogo, du lait Natrel et du fromage d’Oka, entre autres, a reconnu que la rentabilité n’avait pas été à la « hauteur de son potentiel » en 2019.

Malgré une progression de 10,2 % des revenus, qui se sont établis à 7,25 milliards, les excédents nets ont dégringolé de 40 %, à 40,2 millions, en raison d’une augmentation des frais financiers, des charges d’amortissement et de frais de démarrage.

De leur côté, les ristournes déclarées aux membres ont fondu à 30 millions, en baisse de 54 %, et ont été émises en parts de placement plutôt que d’être payées au comptant.

Si la direction d’Agropur s’est montrée relativement satisfaite de la performance des activités américaines, qui génèrent environ 45 % du chiffre d’affaires de la coopérative, elle a reconnu qu’il y avait un coup de barre à donner en territoire canadien.

Bien qu’il souhaite poursuivre la réduction des dépenses, M. Cordeau ne s’est pas avancé sur une cible à atteindre, comme le faisait son prédécesseur. Il a plutôt dit vouloir améliorer l’efficacité du portefeuille d’actifs.

« Au cours de la dernière décennie, nous avons intégré par acquisition 14 entreprises qui ont ajouté près de 3 milliards aux ventes, a dit M. Cordeau. Cette croissance accélérée a fait d’Agropur un joueur incontournable, mais elle a également apporté son lot de complexité, surtout au Canada. »

Celui-ci souhaite notamment mettre de l’avant une « simplification du réseau de distribution » et améliorer la performance de certaines marques, comme Natrel.

Au Canada, Agropur, à l’instar des autres acteurs de l’industrie, est confrontée à une stabilité du prix des produits laitiers dans un contexte de concurrence, qui s’ajoute à l’ouverture du marché local à des joueurs étrangers dans la foulée de la signature de traités de libre-échange.