(New York) Le pari de la major pétrolière ExxonMobil de renouer avec de généreux profits apparaît de plus en plus fragile, comme l’a confirmé vendredi l’annonce d’un déclin de ses profits et recettes en 2019, qui a mis sur la défensive le PDG Darren Woods.

Le bénéfice net annuel a plongé de 31,2 % à 14,34 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires de 264,94 milliards, en baisse de 9 %, malgré un gain exceptionnel de 3,9 milliards issu de la vente de ses actifs en Norvège.

En baisse de 25 % depuis 2014

Cette performance a jeté une ombre sur l’action, qui reculait de 4,3 à 15 h 30 à la Bourse de New York. Depuis la chute des cours de l’or noir en 2014, le titre ExxonMobil a perdu près de 25 % de sa valeur boursière.

« Il n’y a pas de doute que 2019 a été une année difficile pour nombre de nos activités », a reconnu, lors d’une conférence téléphonique, le PDG Darren Woods, qui a remplacé, en 2017, l’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson.

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Darren Woods, le grand patron d'ExxonMobil.

La mauvaise passe interroge sur la stratégie à contre-courant de M. Woods, qui a choisi, à l’inverse de ses rivaux, d’investir tous azimuts dans des projets au Mozambique, dans la zone du bassin permien, qui abrite les principales réserves américaines au sud des États-Unis, et en Guyane.

31 milliards de dollars dans l'exploration

Il a ainsi alloué 31,1 milliards de dollars à ces efforts en 2019, en hausse de 20,2 % sur un an, contre 19 milliards en 2016, année précédant l’arrivée aux commandes de M. Woods.

L’objectif est de conforter le modèle économique mis en place par le premier PDG d’ExxonMobil John Rockefeller il y a plus d’un siècle et demi.

Celui-ci consiste à être présent à tous les échelons de l’industrie pétrolière : de l’exploration à la vente au consommateur via les stations-service notamment, ce qui permet au groupe de résister aux périodes de chute des prix du brut.

Quand les cours de l’or noir sont bas, les coûts de traitement sont allégés, ce qui bénéficie aux raffineurs.

Outre l’exploration pétrolière et gazière, M. Woods a par conséquent augmenté les capacités de production pour les produits chimiques et investi beaucoup dans la raffinerie.

Mais c’était sans compter sur l’envolée des coûts de maintenance des raffineries aux États-Unis, au Canada, en Arabie saoudite, devenue un casse-tête pour ses stations-service Esso, Mobil et Exxon.

Production à la hausse et prix à la baisse

Les marges des produits pétrochimiques – résines de pétrole, lubrifiants, éthylène, butadiène, propylène et caoutchouc synthétique entre autres – ont été amoindries par une offre surabondante.

ExxonMobil a notamment augmenté les capacités de production de polyéthylène, estimant que la demande pour les sacs plastiques et les emballages dans les industries alimentaires et dans la distribution allait exploser.

Mais la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis a contrecarré ces projets, entraînant une surabondance et une chute des prix.

Les raffineries et les produits pétrochimiques ont totalisé un bénéfice combiné de 2,92 milliards de dollars l’an dernier, contre 9,36 milliards en 2018. Leur part est passée de 45 % des bénéfices totaux du groupe en 2018 à seulement 20 % en 2019.

« La demande va rebondir, alimentée par un accroissement de la population, la croissance économique et une meilleure qualité de vie », a répété à plusieurs reprises vendredi M. Woods, cherchant coûte que coûte à dissiper les doutes.

« Les capacités excédentaires de production vont diminuer plus vite que ce qu’on croit et les marges vont remonter », a-t-il encore défendu.

Pressions liées au climat

ExxonMobil est par ailleurs confrontée, comme l’ensemble du secteur pétrolier, à de bas prix du brut et du gaz naturel, et doit composer avec la multiplication de politiques favorables aux énergies propres et à la réduction des émissions de CO2.  

La société de gestion d’actifs BlackRock, un de ses plus importants actionnaires avec un peu plus de 6 % du capital, a fait savoir récemment qu’elle souhaitait investir davantage dans le développement durable et responsable.

ExxonMobil est parvenue, pour l’instant, à contenir la frustration des actionnaires, en leur distribuant des dividendes au prix d’un gonflement de sa dette.

Il n’est pas certain que ce soit suffisant à terme, notamment si le groupe ne parvient pas à dégager les 25 milliards de dollars de profits promis en 2020 et 31 milliards en 2021.