L’entreprise montréalaise de repas prêts à cuisiner Cook It a réalisé le mois dernier l’acquisition de sa concurrente MissFresh — qui était la propriété à 70 % du groupe d’épiceries Metro — alors que les deux entreprises s’étaient, au départ, entendues pour fusionner leurs activités. « C’est là que tu te rends compte que c’est très utile d’avoir Alain Bouchard comme mentor et conseiller », nous explique Judith Fetzer, PDG et cofondatrice de Cook It.

Vous avez annoncé le 9 décembre dernier l’acquisition de MissFresh, qui avait pourtant un partenaire financier et opérationnel solide avec le groupe d’épiceries Metro. Qu’est-ce qui vous a conduite à réaliser pareille transaction ?

Il faut d’abord savoir que Metro avait pris sa participation de 70 % dans MissFresh en août 2017 comme l’ont fait plusieurs grands groupes d’épiceries américains qui se sont lancés dans l’acquisition d’entreprises de repas prêts à cuisiner. Ils étaient convaincus qu’il s’agissait pour eux d’une association stratégique naturelle. Pourtant, ça n’a rien donné, ni aux États-Unis ni ici. Les deux business ne sont pas nécessairement compatibles parce qu’elles sont dans le secteur de l’alimentation. Il n’y a pas de gains opérationnels à réaliser. Metro n’était pas satisfaite de son association avec MissFresh et a donc décidé de trouver une solution de sortie.

Est-ce que c’est Metro qui vous a pressentie directement pour faire le rapprochement ?

Non. Je connais Marie-Ève Prévost, qui était la cofondatrice et PDG de MissFresh, depuis 15 ans et on se rencontre chaque année pour discuter de nos affaires. Elle m’a appelée au mois d’août dernier pour que l’on discute de la possibilité de fusionner nos activités. On venait de réaliser un financement de 1,6 million pour réinvestir dans le marketing et agrandir nos installations. On était à l’étroit dans notre usine de 11 000 pieds carrés de Saint-Michel, il fallait qu’on déménage alors que MissFresh avait une usine hypermoderne et technologiquement avancée de 34 000 pieds carrés à Saint-Laurent. Nous, on apportait notre expertise en marketing et en création culinaire et notre volume de clients qui était le double de celui de MissFresh. On était super excités par cette fusion et j’ai décidé d’en parler à Alain Bouchard, qui est mon mentor et celui de Cook It depuis 2016 [dans le cadre du programme Adopte inc.]. Il m’a répondu : « Non, il n’est pas question de fusionner, on va les acheter. J’appelle M. Laflèche [le PDG de Metro] », m’a-t-il répondu avant de raccrocher.

Comment s’est déroulée la suite ? Est-ce que Metro souhaitait vendre ou avez-vous dû négocier ?

Non, MissFresh n’était pas profitable et Metro voulait vendre. On s’est donc mis au travail pour trouver du financement additionnel auprès d’Investissement Québec et de Desjardins Capital de risque qui nous ont accordé les prêts nécessaires. Le tout s’est déroulé rapidement et le 9 décembre, la transaction était finalisée. On a racheté 100 % de MissFresh qui va maintenant opérer sous le nom de Cook It. On a une base de 30 000 clients abonnés et on vient de tenir aujourd’hui [lundi matin] notre premier comité de direction.

Comment entrevoyez-vous la suite des choses ? Prévoyez-vous devenir rentables prochainement ?

On prévoit atteindre les 100 millions de revenus dans les 18 à 24 prochains mois. On a toujours triplé nos revenus chaque année. L’an dernier, on a fait 10 millions et cette année, on prévoit faire 30 millions. On n’est pas rentables parce qu’on continue d’investir beaucoup dans le marketing. Sur le plan opérationnel, on ne perd toutefois pas d’argent. On a un groupe de six actionnaires-financiers patients, dont Arlene Dickinson de l’émission Dragon’s Den, qui ont participé à deux rondes d’investissements de 1,6 million. Mais là, on prépare un nouveau financement auprès de nouveaux investisseurs, dans le but de lever de 8 à 10 millions pour poursuivre et accélérer notre développement.

Où prévoyez-vous investir prioritairement ?

On va développer notre ligne de production de contenants réutilisables pour nos recettes. On a déjà lancé notre kit de prêt-à-cuisiner écologique qui permet à nos clients de nous rapporter les contenants qu’ils ont utilisés. Ce kit écologique est disponible à Montréal et dans la couronne nord et là, on vient de s’entendre avec de grands propriétaires de tours de bureaux pour avoir des points de dépôt et de retour de nos kits. C’est notre grande priorité.

Vous avez tenté l’expérience de vendre vos plats prêts à cuisiner dans certains magasins Couche-Tard. Cette expérience n’a pas été concluante ?

Non, ça ne marche pas. On a fait un premier test dans des dépanneurs de Gatineau et ça n’a pas marché. On a réessayé plus tard à Montréal et l’opération n’a pas été rentable malgré les efforts que Couche-Tard a consentis. Les repas prêts à cuisiner ne se vendent pas dans les magasins. MissFresh a tenté de le faire dans les magasins Metro et ça n’a pas fonctionné. C’est vraiment une solution de livraison à domicile ou au lieu de travail.

Contrairement à Marché Goodfood, qui a une base de clients à l’échelle canadienne, Cook It est principalement établie au Québec. Est-ce que vous prévoyez une expansion hors Québec ?

On a une bonne présence en milieu urbain à Montréal et Québec et dans plusieurs villes en régions comme Val-d’Or, Drummondville ou Sherbrooke. On veut saturer nos marchés avant de penser à sortir à l’extérieur. On a une opération avec un fournisseur à Calgary, mais on réalise 92 % de nos revenus au Québec. Avant de développer d’autres marchés, on va offrir de nouvelles solutions à notre clientèle comme, très prochainement, celle des services de traiteur et, éventuellement, de petits déjeuners.