(Beyrouth) La justice au Liban veut convoquer l'ancien PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn pour l’entendre après une demande d’arrestation d’Interpol. Par ailleurs, l’enquête se poursuit vendredi au Japon et en Turquie sur les mystérieuses circonstances de sa fuite rocambolesque.

Dans cette affaire ayant pris une ampleur internationale, les dernières images de vidéosurveillance à Tokyo ont révélé que l’ex-patron de Renault-Nissan, arrivé lundi au Liban, avait quitté seul sa résidence japonaise, où il était assigné.

En Turquie, la compagnie aérienne privée MNG Jet a annoncé avoir porté plainte pour l’utilisation « illégale » de deux de ses appareils, qui ont permis à l’homme d’affaires de 65 ans de rallier Beyrouth via Istanbul.

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Le jet privé Bombardier Global Express immatriculé TC-TSR, à bord duquel Carlos Ghosn a fui le Japon le 29 décembre dernier. Le jet privé appartenant à la compagnie aérienne turque MNG Jet l'a conduite d'Osaka à Istanbul, où un autre avion privé de MNG l'attendait pour le mener à Beyrouth, au Liban. MNG Jet a porté plainte à la police turque pour utilisation illégale de ses appareils.

Détenteur des passeports libanais, français et brésilien, M. Ghosn est poursuivi au Japon pour malversations financières. Sa fuite a provoqué la stupeur : il était assigné à domicile à Tokyo dans des conditions très strictes et avait interdiction de quitter le pays dans l’attente de son procès.

Le Liban ayant reçu une notice rouge d’Interpol, l’homme d’affaires pourrait être entendu dès la semaine prochaine par le parquet général libanais, comme l’impose la procédure, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.

« La justice est contrainte de l’entendre. Mais elle peut décider de l’arrêter ou de le laisser en liberté », a souligné cette source, ajoutant que l’homme d’affaires pourrait être convoqué mardi ou mercredi.

Les autorités libanaises ont annoncé que Carlos Ghosn était entré « légalement » dans le pays et rappelé qu’il n’y avait pas d’accord d’extradition avec le Japon.

Jets utilisés « illégalement »

A Tokyo, des images enregistrées le 29 décembre vers 12 h (3 h GMT) par une caméra placée près de l’entrée du domicile de M. Ghosn n’a pas révélé de présence suspecte à ses côtés à ce moment-là, selon des sources proches de l’enquête citées par la chaîne publique NHK.

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L'avocat japonais de Carlos Ghosn, Junichiro Hironaka, s'est dit abasourdi par la fuite de son client lors d'une rencontre avec les médias le 31 décembre.

Il s’agit des dernières images au Japon de l’homme d’affaires. La police japonaise soupçonne qu’il aurait rejoint quelqu’un d’autre pour prendre l’avion, toujours selon NHK.

M. Ghosn est soupçonné d’avoir d’abord embarqué dans un jet privé à l’aéroport international du Kansai, près d’Osaka (ouest du Japon) le 29 décembre au soir, à destination d’Istanbul.

Après une brève escale, M. Ghosn a pris un autre jet privé pour Beyrouth.

La compagnie MNG Jet a annoncé avoir « déposé une plainte au sujet de l’utilisation illégale de ses services d’aviation privée en lien avec la fuite de Carlos Ghosn ».

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La police turque escorte un suspect accusé d'avoir participé à l'opération aérienne qui a fait passer Carlos Ghosn de Turquie au Liban. Son arrestation et celle de six autres supects ont eu lieu le 2 janvier.

Selon elle, deux jets privés ont été loués en décembre à deux clients. « Ces deux locations n’avaient en apparence aucun lien entre elles. Le nom de M. Ghosn n’est apparu dans les documents d’aucun des deux vols ».

La compagnie rejette la faute sur l’un de ses employés qui a été arrêté par la police turque et qu’elle accuse d’avoir agi de sa propre initiative et d’avoir « falsifié des documents ».

« Moi seul »

Les autorités turques ont interpellé jeudi sept personnes, dont quatre pilotes, soupçonnées d’avoir aidé M. Ghosn. Elles devaient être déférées devant un tribunal vendredi en vue de leur placement en détention provisoire.

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Des piétons observent le visage de Carlos Ghosn sur un écran géant extérieur à Tokyo le 22 novembre 2018, peu de temps après son arrestation pour malversations financières.

M. Ghosn, qui fut le chef d’entreprise le mieux payé au Japon, y a été arrêté fin 2018.

Il fait l’objet de quatre inculpations dans ce pays : deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé.

Fin avril, après 130 jours en prison, il avait obtenu une libération sous caution.

L’homme d’affaires limite ses déclarations aux médias depuis son arrivée au Liban, son pays d’origine. Il y vit en toute liberté même si son lieu de résidence est inconnu des médias.

« C’est moi seul qui ai organisé mon départ », a-t-il affirmé jeudi dans un court communiqué. Il devrait donner une conférence de presse la semaine prochaine.