Il y a eu la montée en popularité du bio, puis l’arrivée des yogourts probiotiques et grecs qui ont chamboulé le marché. Confrontées depuis 2015 à une baisse des ventes, les entreprises sont aujourd’hui à la recherche du produit miracle qui pourra les relancer. Pourrait-il s'agir du « yogourt » végétal, dont la popularité ne cesse de croître ?

À la recherche du produit miracle

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Trois marques de « yogourt végétal » faits à base de lait de coco : la Maison Riviera, Yoso et Daiya.

Dans le rayon des yogourts, la prochaine révolution sera végétale. Voilà la prédiction de Martin Valiquette, directeur général de la Maison Riviera, dont l’entreprise, qui a lancé il y a un an ses premiers produits végétaux au pays, perce maintenant le marché américain avec ses « faux yogourts ».

Le yogourt végétal est généralement élaboré avec du lait de coco, d’amande ou de soya, par exemple. Depuis le printemps, le producteur qui fabrique son yogourt à son usine de Sorel vend ses produits, préparés avec du lait de coco et de la protéine de pois, dans 110 magasins spécialisés de la grande région new-yorkaise. Et la conquête américaine ne s’arrêtera pas là. Maison Riviera vise ensuite le marché de la côte Est.

« Le produit commence à se faire connaître, indique M. Valiquette. Il y a énormément de compétition, il faut le dire, admet-il toutefois. Des produits végétaux là-bas, il y en a au moins un par semaine qui sort. Nous, on travaille plus le lait de coco. Eux, ils travaillent maintenant avec tous les types de lait qui existent. C’est là qu’on se différencie. On a tout développé en fonction du goût. On a rajouté de la protéine alors qu’eux, souvent, ils n’en ont même pas. Notre produit, il goûte comme le yogourt. »

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Martin Valiquette, DG de la Maison Riviera

De ce côté-ci de la frontière, « l’intérêt pour le végétal a été instantané », affirme le directeur général de la Maison Riviera. « Je sens l’effervescence », affirme M. Valiquette, tout en soulignant que ses produits au parfum de vanille, d’ananas, de citron ou encore de framboises sont devenus les meilleurs vendeurs de l’entreprise au pays. Il ne nous a toutefois pas chiffré ses ventes.

« On les a créés pour les véganes, mais ça convient à monsieur et madame Tout-le-Monde. »

Et selon Martin Valiquette, devant ce succès, plusieurs producteurs de yogourts d’ici vont sauter dans le train végétal.

Avec sa gamme de produits Silk – préparés avec du beurre d’amandes –, Danone s’est aussi lancé dans l’aventure, tout comme Daiya en Colombie-Britannique et Yoso en Ontario.

Liberté n’a toujours pas commercialisé de « faux yogourt », mais l’entreprise, maintenant propriété de l’américaine General Mills, pourrait bien sauter dans la mêlée, a laissé entendre la directrice du marketing, Frédérique Delagrave. « C’est sûr que les tendances, on les voit. Si on peut livrer quelque chose qui est simple, qui est goûteux, c’est quelque chose que Liberté serait prêt à lancer. C’est sur notre radar comme plein d’autres tendances qu’on regarde. »

De son côté, Agropur, bien connue pour sa marque iögo, n’a toutefois pas l’intention de passer en mode végétal, selon Véronique Boileau, vice-présidente communications. « Comme coopérative, on va rester avec nos partenaires laitiers pour la fabrication du yogourt. »

Le produit miracle

Peu importe leur vision, les entreprises qui sont dans l’industrie au Québec ont toutes un point en commun : elles sont à la recherche des produits miracles qui feront en sorte que plus de consommateurs mettront du yogourt dans leur panier d’épicerie.

Parce que depuis 2015, la consommation annuelle de yogourt est passée de 10,99 litres par Canadien à 9,87 litres, en 2018.

La tendance a un impact particulier au Québec, qui fabrique entre 75 % et 80 % du yogourt au Canada. « C’est un marché qui est ultra-compétitif, souligne Charles Langlois, président-directeur général du Conseil des industriels laitiers du Québec. La consommation a atteint un certain plateau. Les industries essaient de défoncer ce plafond pour augmenter la consommation. Le yogourt grec a dynamisé le marché du yogourt. [C’est un produit] qui fonctionne beaucoup par vague. »

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Marie-Eve Girard, directrice du marketing pour Danone Canada

« Chez Danone, on pense que c’est un peu la fin des produits de masse, a affirmé Marie-Eve Girard, directrice du marketing pour Danone Canada, lors d’une rencontre avec La Presse au siège social de l’entreprise situé à Boucherville. 

On pense plutôt que la croissance va venir un peu plus de la segmentation des offres sur le marché et de répondre aux besoins plus spécifiques des consommateurs.

Marie-Eve Girard, de Danone Canada

Dans cette usine, qui a triplé de taille en 15 ans, et où il se produit environ 5 millions de petits pots de yogourt par jour, on a plutôt décidé de diversifier l’offre grâce à la présence de neuf chaînes de production. Activia – qui détient 18 % des parts de marché –, YoPro (nouveau produit à teneur élevée en protéines), le grec Oikos, le végétal Silk ou encore le nouveau Danone sans sucre ajouté sont autant de produits se retrouvant sur les tablettes avec le logo de la multinationale française.

« C’est sûr qu’on a des grosses plateformes de croissance : les produits réduits en sucre, plus naturels, les produits plus portables [yogourts à boire], admet néanmoins Mme Girard. Et la grosse tendance, c’est toujours le ratio sucre-protéines. »

« Il y a peut-être plus de fragmentation, admet aussi Frédérique Delagrave, directrice marketing pour Liberté Canada. Avant, le grec était le yogourt qui était dans tous les frigos. »

« C’est encore le segment le plus important du yogourt au Canada, mais je pense que les gens reviennent au yogourt traditionnel, ajoute-t-elle. Ils sont aussi beaucoup plus enclins à acheter des produits à haute teneur en matières grasses. Le yogourt nature est en croissance. »

De son côté, Martin Valiquette, qui a longtemps travaillé pour Liberté, ne croit pas que la révolution du yogourt se fera dans les usines des grandes entreprises. « Les multinationales sont un peu plus frileuses, affirme-t-il. On voit qu’il y a de l’appétit pour aller dans de gros volumes. Il y a moins de risques pris par l’industrie. »

Le directeur général de Maison Riviera ne semble pas avoir peur de « tester des produits », même s’il lui arrive de se tromper. « J’ai laissé faire pour les desserts. Je me suis planté quatre fois. » Ce qui ne l’empêche pas de continuer à prendre des risques, notamment en raison de la petitesse de son entreprise. « Qui est-ce qui peut faire de l’innovation à faibles coûts ? C’est Riviera. »

Les acteurs de l’industrie

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Ils se distinguent au rayon des produits laitiers avec leurs petits pots en verre, leurs bouteilles à l’effigie des personnages de Pat’Patrouille ou encore leurs pochettes de yogourt. Mais qui sont les principaux acteurs de l’industrie du yogourt au Québec ?

Danone

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Yogourt grec Oikos, de Danone

Danone est une multinationale française qui a fait l’achat de l’entreprise québécoise Delisle en 1993.

Parts de marché au Canada : 37 %
Nombre d’employés au Québec : 350
Siège social au Canada : Boucherville
Quelques marques : Danino, Oikos

Agropur

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Yogourt à boire iögo nanö, d’Agropur

Agropur a fait l’acquisition de l’ensemble des actions d’Aliments Ultima – entreprise de fabrication de yogourts – en août 2017. Auparavant, Aliments Ultima était détenue à parts égales par Agropur et la coopérative Agrifoods.

Parts de marché au Canada : Agropur a refusé de transmettre cette information à La Presse.
Nombre d’employés au siège social d’Agropur : 800 (impossible d’avoir le nombre d’employés qui travaillent dans le yogourt)
Siège social : Longueuil
Quelques marques : iögo, Olympic

Maison Riviera

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Yogourt Petit Pot, de la Maison Riviera

Fondée en 1920 dans la région de Sorel-Tracy, Maison Riviera s’est notamment fait connaître avec sa gamme de produits Petit Pot, lancée en 2015.

Parts de marché au Canada : Maison Riviera a refusé de transmettre cette information à La Presse.
Nombre d’employés : 150
Siège social : Varennes
Quelques marques : Petit Pot, Les Délices végétaux

Liberté

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Yogourt Liberté grec

L’entreprise québécoise de fabrication de yogourts a été achetée en 2011 par Yoplait, qui a elle-même été acquise par General Mills au cours de la même année.

Parts de marché au Canada : 14,6 %
Nombre d’employés au pays : 419
Siège social : Montréal
Quelques marques : Skyr, Liberté grec