(San Francisco) Google a licencié lundi quatre salariés accusés d’avoir consulté des documents internes auxquels ils n’auraient pas dû accéder, provoquant la colère de certains de leurs collègues qui y voient une mesure d’intimidation du géant de l’internet visant in fine à empêcher le personnel de se s’organiser, voire de se syndiquer.

Le quatuor contestataire, rapidement surnommé par les réseaux sociaux « les quatre de Thanksgiving » – en référence à la fête traditionnelle célébrée cette semaine aux États-Unis, s’était à plusieurs reprises fait remarquer pour leurs critiques de l’entreprise, prise à partie notamment pour son comportement face au harcèlement sexuel et pour sa collaboration avec la surveillance digitale en Chine.

Cette décision de l’entreprise est surtout destinée « à entraver toute tentative d’organisation parmi les salariés », estime un groupe d’employés de Google dans un message publié sur la plateforme Medium. Ce sont eux qui avaient coorganisé fin 2018 un arrêt de travail, baptisé « Google Walkout For Real Change », pour dénoncer la gestion du harcèlement sexuel au sein de l’entreprise.

Google a confirmé mardi à l’AFP une information de l’agence Bloomberg selon laquelle la direction avait envoyé lundi un courriel à tous ses salariés expliquant avoir licencié quatre personnes ayant « clairement et à plusieurs reprises enfreint nos politiques en termes de sécurité des données ».

« Une enquête approfondie a montré que ces personnes ont délibérément effectué des recherches systématiques sur les documents et les travaux d’autres salariés », des recherches qui n’entraient pas dans le cadre de leurs propres fonctions, ajoute l’entreprise dans le document.

Sans préciser l’identité des salariés concernés, Google a confirmé le contenu du courriel dévoilé par Bloomberg. Le groupe n’a pas souhaité faire plus de commentaires.

Une des personnes concernées, Rebecca Rivers, a confirmé lundi sur son compte Twitter avoir été démise de ses fonctions.  Elle avait notamment critiqué le fait que Google travaillait avec l’agence américaine responsable de l’immigration et des frontières, accusée par certains de non-respect des droits de l’Homme.

Selon le texte de salariés sur Medium, l’entreprise aurait commencé par engager une société cherchant à empêcher la syndicalisation dans les entreprises.

Cohérence

« À peu près au même moment, Google a remodelé ses politiques pour faire de la simple consultation de certains documents une infraction pouvant justifier un licenciement », est-il écrit dans le message.

« Ce changement de politique constituait une excuse pour exercer des représailles contre les salariés cherchant à s’organiser, donnant (à Google) un prétexte pour choisir qui cibler », est-il ajouté.

La Coalition des travailleurs de la Technologie a réagi sur Twitter en assurant que le licenciement des quatre salariés était « destiné à effrayer les travailleurs ». « Ne laissez pas faire cela », ajoute-t-elle.  

Elle a appelé les autres entreprises à embaucher les quatre employés congédiés.  

Google, filiale d’Alphabet, se retrouve de plus en plus souvent pris à partie par ses propres employés sur des questions telles que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou sa participation à des appels d’offres pour des agences américaines dans le domaine de la défense ou de l’immigration.

Il y a un an, les employés de Google avaient manifesté devant son siège de Mountain View et ses divers bureaux pour protester contre le traitement par la société des questions de harcèlement sexuel.

Deux des quatre salariés, qui faisaient déjà l’objet d’une mesure de suspension, avaient participé vendredi à un rassemblement de protestation devant les bureaux de la société à San Francisco, selon des médias américains.

Pour Jeffrey Hirsch, professeur de droit à l’Université de Caroline du Nord et ancien avocat du Conseil national des relations de travail, Google pourrait être confronté à des problèmes juridiques s’il ne fait pas preuve d’une approche cohérente à l’égard des autres membres du personnel qui ont eu le même comportement que les quatre employés renvoyés.

« Dans le cas contraire, Google devra probablement réintégrer les employés et leur payer leur salaire », a-t-il déclaré à Bloomberg.