(Québec) La pression s’est accentuée sur le gouvernement Legault, mardi, pour qu’il retire et révise de fond en comble le projet de loi 34 sur les tarifs d’Hydro-Québec.

Près de 1400 PME québécoises ont signé une lettre exigeant la refonte complète du projet de loi, tandis que le Parti québécois (PQ) s’est plaint en Chambre d’un possible outrage au Parlement commis par Hydro-Québec.

«Les PME craignent que le projet de loi 34 transforme Hydro-Québec en une machine à taxer pour le gouvernement», a déclaré mardi le porte-parole de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Gopinath Jeyabalaratnam.

Le projet de loi 34 — déposé le 12 juin dernier — permettrait au gouvernement de remettre 500 millions aux clients d’Hydro-Québec dès le début de 2020 et d’abolir le système annuel d’évaluation des tarifs d’électricité par la Régie de l’énergie. Au lieu de cela, les tarifs seraient gelés lors de la première année, puis fixés en fonction de l’inflation.

Au cours des quatre dernières années, les hausses de tarifs se sont plutôt situées en deçà de l’inflation, passant de 0,7% en 2016, à 0,7% en 2017, à 0,3% en 2018 et à 0,9% en 2019.

Après 2025, en vertu du projet de loi, Hydro-Québec devra demander à la Régie de l’énergie de fixer de nouveaux tarifs tous les cinq ans, et non chaque année, comme c’est le cas actuellement.

Les 1384 PME signataires — qui emploient plus de 15 000 travailleurs dans 14 régions du Québec — craignent que le projet de loi 34 ne fasse qu’empirer leur situation en augmentant les tarifs d’électricité.

Elles font valoir qu’exploiter une entreprise comporte déjà son lot de défis ; «Les taxes et les impôts que je dois payer sont parmi les plus élevés de tout le pays», peut-on notamment lire dans la lettre.

Mais le premier ministre François Legault est resté de marbre face à leurs préoccupations. «M. le Président, les PME au Québec paient parmi les taux d’impôt sur les profits de corporations, les taux d’impôt les plus bas au monde», a-t-il déclaré lors de la période des questions.

«Les PME du Québec voudraient qu’on réduise les tarifs d’électricité. Les individus qui sont propriétaires des résidences au Québec voudraient qu’on réduise les tarifs d’électricité. M. le Président, au Québec on a déjà parmi les tarifs d’électricité les plus bas au monde», a-t-il ajouté.

Dans l’opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait calculé qu’entre 2008 et 2016, les Québécois avaient payé 1,5 milliard de plus que ce qu’ils auraient dû sur leur facture d’électricité. Elle exigeait le remboursement complet des trop-perçus, estimant qu’ils correspondaient à une «taxe déguisée».

Une fois au pouvoir, elle n’en a rien fait. M. Legault a réitéré, mardi, que les Québécois vont de toute façon bénéficier de la réduction de la taxe scolaire et de la hausse des crédits d’impôt pour les familles, des mesures qui totalisent ensemble 1,5 milliard par année.

Pour sa part, le PQ s’est rangé fermement derrière les arguments des PME québécoises et a applaudi leur mobilisation. «Honnêtement, je n’ai jamais vu ça en 12 ans de vie parlementaire», s’est réjoui le député Sylvain Gaudreault en mêlée de presse.

Outrage au Parlement?

Mardi, le PQ a également demandé au président de l’Assemblée nationale, François Paradis, de se pencher sur une question de violation de droit ou de privilège.

La formation politique dit croire qu’Hydro-Québec aurait commis un outrage au Parlement dans le cadre de ses représentations devant la Régie de l’énergie relativement à l’établissement des tarifs d’électricité de l’année tarifaire 2020-2021.

La société d’État aurait, d’une part, présumé de l’adoption imminente du projet de loi 34, alors que l’Assemblée vient d’entreprendre l’étude détaillée de ce projet de loi. D’autre part, elle aurait cherché à se prévaloir de l’effet juridique de dispositions prévues au projet de loi et non encore adoptées.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS), qui sont contre le projet de loi 34, ont rapidement manifesté leur désir de participer au débat, le cas échéant. M. Paradis a annoncé qu’il prenait la question en délibéré et rendrait une décision «dans les meilleurs délais».

Plus tard, le député libéral Saul Polo a déposé la motion suivante en Chambre : «Que l’Assemblée nationale […] demande formellement à Hydro-Québec de prendre acte du fait que le processus d’étude du projet de loi 34 n’est pas complété par les membres de l’Assemblée, et qu’elle exprime son mécontentement face à ce manque de respect et de déférence envers ses travaux.»

Le gouvernement a refusé de débattre de la motion.