(New York) Boeing a annoncé mardi le limogeage du responsable de sa division d’aviation commerciale (BCA), Kevin McAllister, premier départ d’un cadre dirigeant depuis le début de la crise du 737 MAX, immobilisé au sol depuis mi-mars après deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts.  

M. McAllister est remplacé immédiatement par Stan Deal, salarié du groupe depuis 1986 et jusque-là à la tête de la division proposant différents services (maintenance, formation des équipages…) de l’avionneur.

Cet ingénieur de formation, arrivé de chez General Electric (GE) il y a deux ans et plébiscité pour sa bonne connaissance des usines, avait été propulsé en 2017 à la tête de BCA pour accompagner les montées des cadences de production des principaux programmes de Boeing – le 737 MAX, le 787 et le 777.

Son départ intervient une dizaine de jours après que le grand patron, Dennis Muilenburg, s’est vu retirer le titre de président du conseil d’administration.

M. McAllister n’était pas à la tête de BCA au moment du développement du 737 MAX mais les critiques s’étaient toutefois multipliées ces dernières semaines à son encontre, selon des sources internes.

Tensions entre Seattle et Chicago

On lui reprochait notamment de ne pas être monté au créneau, au vu de la crise du 737 MAX, pour rassurer le grand public, les compagnies aériennes et les salariés sur cet avion, qui représente plus des deux tiers du carnet de commandes de Boeing.

« Il était à peine visible à un moment où Boeing avait besoin d’un visage public », a réagi Richard Aboulafia, expert chez Teal Group.

Selon lui, d’autres départs vont suivre, car Boeing a besoin d’un électrochoc pour surmonter cette crise et cela passe par la nomination de nouvelles têtes.

« Il y avait beaucoup d’interrogations sur Kevin McAllister », renchérit de son côté Jeff Sonnenfeld, spécialiste des questions de gouvernance à l’université de Yale.  

Selon ce professeur très influent dans les milieux de la bonne gouvernance en entreprise, les erreurs de communication de Boeing au moment où les régulateurs ont accru leur supervision sont survenues sous M. McAllister.

« Il y a eu un problème de communication venant de Boeing aviation civile à Seattle (où se trouve le siège de BCA). Ils semblent avoir été au courant de beaucoup de choses et ont tardé à les communiquer au siège de l’entreprise à Chicago », avance M. Sonnenfeld, ajoutant que MM. Muilenburg et McAllister n’étaient plus sur la même longueur d’onde.

Boeing, dont la communication de crise est très critiquée, notamment son manque de transparence supposé, n’a pas donné les raisons du départ de M. McAllister.

L’éviction de M. McAllister intervient à la veille de la publication des résultats du troisième trimestre de Boeing, qui devraient se traduire par un plongeon continu du chiffre d’affaires du fait de la suspension des livraisons du MAX.

Elle se produit également alors que la pression a redoublé sur Dennis Muilenburg, qui sera auditionné le 30 octobre prochain, pour la première fois, par des élus américains.

Cette audition est cruciale, car le dirigeant devrait être interrogé sur des échanges troublants, publiés vendredi dernier, entre deux de ses pilotes d’essai qui font état de possibles dysfonctionnements du système de pilotage automatique, MCAS, mis en cause dans les deux accidents du MAX.

Ce système, qui devait empêcher l’avion de partir en piqué, le rendait difficile à piloter en simulateur, selon ces conversations.

Il « déraille dans le sim (le simulateur, NDLR) », disait Mark Forkner un de ces pilotes dans ces conversations sur messagerie instantanée datant de novembre 2016, soit un an avant la certification du 737 MAX et deux ans avant le premier accident.

Outre le 737 MAX, la division aviation connaît également des problèmes liés aux programmes 787 et 737 NG, la version précédant le MAX.

L’agence fédérale de l’aviation (FAA) a ordonné en début de mois une inspection de près de 2000 Boeing 737 NG après la découverte de « fissures structurelles » sur un exemplaire en Chine.

S&P Global Ratings a prévenu mardi qu’elle pourrait abaisser à moyen terme la note de solidité financière du constructeur aéronautique, un autre coup dur potentiel.