(Londres) Le pionnier des voyagistes, le britannique Thomas Cook, a brutalement fait faillite lundi, contraignant les autorités à lancer un rapatriement sans précédent de quelque 600 000 vacanciers dans le monde, tandis que le sort des plus de 20 000 employés restait incertain.

Thomas Cook, qui existait depuis 178 ans, a mis la clé sous la porte du jour au lendemain après avoir échoué au cours d’un week-end marathon à trouver les fonds nécessaires à sa survie.

Si beaucoup des 9000 employés en Grande-Bretagne risquaient de se retrouver au chômage, les cabinets d’audit chargés de la liquidation, KPMG et AlixPartners, pourraient tenter de revendre certaines activités, ce qui préserverait une partie des postes.  

L’autorité responsable de la liquidation, le Official Receiver, a indiqué à l’AFP qu’il est encore tôt pour se prononcer tandis qu’une source proche du dossier a souligné que « beaucoup d’options sont sur la table ».

À l’étranger, l’avenir des employés du voyagiste était encore plus flou, car les législations locales sur les dépôts de bilan diffèrent.

« C’est fini en Angleterre, on attend de voir comment on va être mangé en France », réagissait ainsi Vanessa, salariée de la filiale française Jet Tours.

Côté touristes, l’opération de rapatriement de civils la plus massive de l’histoire avait démarré. L’autorité britannique de l’aviation civile (CAA) orchestrait le retour de 150 000 ressortissants de la Couronne, deux fois plus que lors de la faillite de la compagnie aérienne Monarch il y a deux ans.  

Le coût du rapatriement des Britanniques devrait tourner autour de 100 millions de livres, selon le gouvernement.

Employés en larmes

Une quarantaine d’avions étaient mis à disposition par l’Autorité britannique de l’aviation civile (CAA) pour ramener les touristes de Palma de Majorque, destination très prisée des Britanniques, mais aussi de Turquie, Grèce, Tunisie ou même Cuba, entre autres.

Donna Carslaw était à bord du dernier avion de Thomas Cook à avoir atterri à l’aéroport de Manchester cette nuit. Elle a décrit à la chaîne Sky News une ambiance très émotionnelle à bord, avec des employés bouleversés et « en larmes ».

D’autres n’ont pas pu partir pour leurs vacances tant attendues, comme James et Kim Egerton-Stanbridge : « nous avons réservé ce voyage en Égypte il y a un an pour un anniversaire spécial sur la compagnie Love Holidays », pour qui Thomas Cook assurait des vols.  

« Hier soir encore, tout semblait comme prévu, les cartes d’embarquement, les correspondances… ». James et Kim n’ont reçu aucune information de la part du voyagiste sur la marche à suivre depuis la faillite.

Ils ont décidé de se rendre à l’aéroport londonien de Gatwick pour voir si Love Holidays pouvait leur trouver un autre vol, car l’hôtel reste disponible. Ils se sentent « très contrariés », « abandonnés » et tristes.

Thomas Cook est « une marque connue, c’est choquant qu’ils soient en faillite », relève M. Egerton-Stanbridge.

Le destin du voyagiste s’est joué en quelques jours : des banques créancières lui ont demandé la semaine dernière de trouver 200 millions de livres (227 millions d’euros) de financements supplémentaires pour valider un plan de sauvetage de 900 millions de livres mené par Fosun, premier actionnaire.  Malgré un marathon de négociations ce week-end, il s’est avéré impossible de réunir plus d’argent.

L’opposition travailliste britannique a estimé que le gouvernement aurait dû porter secours à Thomas Cook, mais le ministre des Transports, Grant Shapps, a justifié que cela n’aurait fait que retarder l’inévitable.

Selon lui, « le groupe avait des difficultés profondes à évoluer dans le secteur du voyage qui s’est éloigné des agences de centre-ville pour se tourner vers les réservations en ligne ».

Remboursement

Le voyagiste très lourdement endetté a vu son horizon s’assombrir ces dernières années à cause de la concurrence acharnée des sites internet de voyage à bas prix et de la frilosité de touristes inquiets du Brexit notamment.

La CAA rappelle que les voyages organisés bénéficient de la garantie ATOL, qui découle d’une directive européenne : « vu l’ampleur de la situation, quelques perturbations sont inévitables, mais la CAA va faire son possible pour ramener les gens chez eux aussi près de la date prévue que possible ».  

La CAA relève que les clients ayant acheté un séjour qu’ils n’ont pas encore utilisé auront droit à « un remboursement complet » et que ceux qui sont coincés à l’étranger pourront aussi recouvrer les frais encourus sur place si leur retour est retardé. Mais entretemps, beaucoup de lunes de miel et vacances tant attendues sont anéanties.