On trouve vraiment de tout sur les sites de petites annonces. Y compris des institutions grivoises. L’un des bars de danseuses nues les plus connus de la Rive-Sud, le Cabaret Doric, est à vendre. Le fonds de commerce, l’immeuble et deux terrains, qui « ne peuvent être vendus séparément », sont annoncés à 1,75 million sur le site LesPAC et bien d’autres.

L’annonce, qui porte le titre « Bar de danseuses avec DROIT ACQUIS Rive-sud de Montréal–Vieux-Longueuil » s’y trouve depuis une cinquantaine de jours. On affirme qu’il s’agit d’une « rare opportunité à ne pas manquer ».

Le fonds de commerce inclut notamment le permis de « bar de danseuses » et une « licence d’exploitant de site d’appareils de loterie vidéo de 5 appareils avec chiffre d’affaires brut de $ $ $ $ $ $ $ par année ». À lui seul, il est vendu 999 000 $. Le terrain et l’immeuble sont affichés au prix de 599 000 $, tandis que le terrain derrière le bar, qui lui sert de stationnement, est vendu 149 000 $.

La courtière Johanne Lamoureux, de RE/MAX, estime que tout cela sera « difficile » à vendre « compte tenu de sa nature » et du fait que les trois propriétés totalisent 1 749 000 $, un « montant considérable ». Les trois lots sont vendus ensemble, car ils appartiennent à la même entreprise et le stationnement est nécessaire au commerce, explique la femme qui n’a jamais vendu de bar de danseuses nues dans sa carrière.

Jusqu’ici, le cabaret a suscité trois visites d’acheteurs potentiels, mais aucune offre.

Des annonces pour vendre le Cabaret Doric ont été placées sur « plus de 100 sites internet, dont certains à l’international qui sont traduits en 87 langues » afin de maximiser la visibilité de la propriété sur le web, affirme la courtière. « Ma croyance, c’est que plus c’est vu, plus vous avez de chances de trouver un acheteur. C’est pour ça que M. Montigny [le propriétaire] m’a appelée. »

Une industrie en déclin, observe Sergakis

L’homme d’affaires Peter Sergakis, qui possède le bar de danseuses nues Les Amazones, plusieurs autres bars et des restaurants, dit n’avoir « aucun intérêt » pour cette propriété.

C’est du trouble, ça fonctionne de moins en moins bien et ce n’est pas trop bon pour ton nom quand t’es en affaires.

Peter Sergakis

L’industrie des bars de danseuses est en déclin à cause de la porno accessible sur l’internet, constate-t-il.

M. Sergakis ne voit pas qui pourrait être intéressé à acheter le Doric hormis le crime organisé.

La courtière chargée de la vente est persuadée que l’acquéreur des lots voudra y exploiter le même genre de commerce. Car un investisseur qui voudrait construire autre chose sur ce vaste espace du boulevard Taschereau se retrouverait avec « un coût de terrain élevé ».

Rappelons qu’en 2011, l’immeuble abritant le Doric avait été le théâtre d’un double meurtre. Un père et son fils, qui habitaient au-dessus du Cabaret, ont été tabassés à coups de bâton de baseball. Les deux responsables — dont un était un proche des Hells Angels — ont écopé de plusieurs années de prison.

Droit acquis

Propriétaires de l’endroit depuis 2011, disent-ils, Dave et Daniel Montigny ont décidé de vendre leur commerce, car ils ont « envie de passer à autre chose ». « On a toujours voulu être là-dedans et ç’a été intéressant. On a vieilli, on a d’autres projets en tête », nous a affirmé Daniel Montigny. Son frère Dave, qui est actionnaire majoritaire selon le Registre des entreprises du Québec, ne nous a pas rappelés.

Daniel Montigny ignore d’où vient le nom Doric. Et ne sait pas en quelle année l’établissement a ouvert ses portes. « C’est dans les années 70 », croit-il.

Le permis permettant au Cabaret Doric d’offrir des spectacles avec de la nudité est un « droit acquis », car aucun autre permis du genre ne sera délivré, affirment les frères Montigny et la fiche MLS de leur propriété.

La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) soutient qu’il n’y a « pas de moratoire relativement à l’octroi de permis de bar avec l’autorisation de spectacle avec nudité » au Québec. Il n’y en a pas davantage à la Ville de Longueuil.

Par contre, la Ville confirme que le Cabaret Doric jouit d’un « droit acquis sur l’usage puisqu’il est situé dans une zone dans laquelle ce type d’établissement n’est pas autorisé actuellement ».

Notons qu’un permis permettant les spectacles avec nudité peut être transféré lors de la vente d’un établissement, pourvu que le nouvel acquéreur respecte une série « de droits et d’obligations », précise la RACJ.