Un mois après la tuerie dans un de ses stationnements à El Paso, Walmart a annoncé qu’elle mettait fin à la vente de certaines armes et munitions dans ses magasins aux États-Unis. Dans une lettre d’explication, le PDG Doug McMillon dit espérer que les gens comprendront sa décision, que lui-même possède une arme et qu’il a interpellé la Maison-Blanche pour discuter de l’interdiction des armes à feu. Alors que la National Rifle Association (NRA) grogne, quels seront les effets de cette décision sur l’image et les ventes de Walmart ? Des experts se prononcent.

Est-ce une décision politique ? 

« En partie, oui, répond Martine St-Victor, stratège en communications et fondatrice de Milagro. Une marque apolitique saute maintenant dans l’arène et va contre le gouvernement qui est en copinage avec la NRA. Le PDG s’est prononcé et encourage d’autres PDG à parler de ce débat sur le port d’armes. Mais c’est d’abord une stratégie commerciale pour aller chercher un nouveau marché, les milléniaux, qui exigent que les entreprises dévoilent leurs valeurs et qui posent de plus en plus de questions. » 

Walmart, croit-on, ne peut plus se dissocier du discours, son nom étant associé directement à la tuerie d’El Paso. « Elle n’a pas le choix, elle doit réagir, dit Martine St-Victor. Malgré elle, elle fait partie du problème et doit trouver une solution. Quitte à s’aliéner les Red States [États républicains]. Il y a aussi un changement de mentalité. De plus en plus d’Américains sont pour la vérification des antécédents. »

Quel sera l’impact sur les ventes de Walmart ? 

Selon l’analyste Andrew Wolf, de Loop Capital Markets, les ventes du géant du commerce de détail devraient être peu touchées. « Nous estimons que ces changements auront un léger impact sur les ventes (- 0,05 %) et sur le bénéfice par action (d’un cent), écrit-il dans un rapport. Les problèmes potentiels émanant de la clientèle seront limités, car l’entreprise a déjà pris, par le passé, des actions pour limiter la vente d’armes à feu. » 

La direction de Walmart estime que sa part de marché dans les munitions, actuellement de 20 %, glissera entre 6 % et 9 %. « À long terme, les effets seront bénéfiques, pense Arnaud Granata, président du média spécialisé Infopresse. Ça reste une multinationale. Elle a calculé si elle allait perdre des ventes. Ce n’est pas nouveau, la question des tueries aux États-Unis et des armes à feu. »

Le PDG a-t-il adopté le bon ton ? 

« Ce qui est intéressant, c’est que [le président de Walmart] trouve inacceptable la question du statu quo, explique Arnaud Granata. Et il ne diabolise pas les armes à feu. » 

« Il ne s’est pas dénaturé, dit Martine St-Victor. Il s’identifie à la majorité des Américains. Ce n’est pas juste ceux qui votent pour les républicains qui possèdent des armes. Il dit qu’il ne va pas brimer les droits des Américains, mais qu’il va s’ajuster. Plusieurs vont s’identifier à lui en retour. »

Est-ce qu’il y aura un effet d’entraînement ?

« Un PDG d’une si grande entreprise qui dit : “Nous, on arrête !”, c’est immense, lance Martine St-Victor. Il faudra s’attendre à d’autres sorties. Il ne faut pas oublier que Walmart est le plus gros employeur privé. C’est l’American store qui traverse les classes sociales et raciales. Une marque qui répond à cette épidémie de tueries peut amener un changement. » 

« C’est un gros joueur qui pose un geste, ajoute Arnaud Granata. Ça deviendra un geste social. Des prises de position comme celles de Nike contre la loi anti-immigration de Trump, par exemple, montrent que des entreprises ont des dirigeants qui ont une conscience sociale. »