Le conflit de travail à l’Aluminerie de Bécancour (ABI), qui a pris fin le 2 juillet dernier après 18 mois de lock-out, a permis à Lucien Bouchard de toucher 242 280 $ en honoraires. Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale lui a également remboursé 4420,47 $ pour ses frais de déplacement et d’hébergement.

L’ancien premier ministre du Québec avait tout d’abord été engagé par le gouvernement de Philippe Couillard, en avril 2018, comme médiateur pour tenter de rapprocher la direction d’ABI et ses employés syndiqués en lock-out. Lucien Bouchard a reçu 145 640 $ pour ce mandat qui s’est terminé sans succès en octobre 2018.

Par la suite, le gouvernement de François Legault a sollicité les services de Lucien Bouchard comme président d’un conseil de médiation spéciale composé de la sous-ministre adjointe aux relations du travail au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, MMélanie Hillinger, et d’un conciliateur de ce ministère, Jean Nolin. Une somme de 96 640 $ a été facturée pour son rôle comme membre et président de ce conseil.

Dans les sommes accordées, obtenues grâce à une demande d’accès à l’information, on note également 42 510,12 $ destinés aux frais de location de salle et de déplacement des personnes impliquées.

Frais trop élevés ?

Est-ce que les frais payés par les contribuables pour régler un conflit privé sont raisonnables ? 

Selon Jean-Claude Bernatchez, professeur titulaire en relations industrielles à l’Université du Québec à Trois-Rivières, les honoraires d’un avocat d’expérience comme Lucien Bouchard sont d’au moins 300 $ de l’heure.

« Ce n’est pas bon marché, souligne le professeur, qui a suivi avec grande attention ce conflit. Le ministère du Travail aurait dû avoir recours à ses ressources internes avant de solliciter les services d’un médiateur externe comme M. Bouchard. »

Jean-Claude Bernatchez soutient qu’au ministère du Travail, une équipe de médiateurs efficaces est en place et obtient de bons résultats.

« Au Québec, il n’y a que 2 % des négociations qui tournent en grève ou en lock-out, observe-t-il. Donc, ça veut dire que les médiateurs du ministère du Travail travaillent bien. »

Alain Barré, professeur au département des relations industrielles de l’Université Laval, est d’un autre avis. Il souligne que Lucien Bouchard, avant de se lancer en politique, était un avocat en droit du travail qui jouissait d’une très grande crédibilité. Il rappelle aussi qu’il était déjà intervenu dans un conflit de travail d’ABI en 2011 et que les deux parties ont accueilli favorablement sa nomination en avril 2018.

« Je pense que Lucien Bouchard était le meilleur choix que le gouvernement pouvait faire », affirme-t-il.

Le professeur de relations industrielles croit que le ministère du Travail a tenu compte de l’important impact économique dans un secteur névralgique au Québec, soit les alumineries, en plus de l’impact sur le plan régional.

« Compte tenu du caractère tout à fait exceptionnel de ce genre d’intervention d’un médiateur dans notre système de relations du travail, les 242 280 $ valaient la peine d’essayer », conclut-il.

— Avec William Leclerc, La Presse