L’enquêteur indépendant mandaté pour faire la lumière sur les agissements de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre d’une enquête sur SNC-Lavalin n’ayant mené à aucune accusation exonère l’organisme, jugeant même qu’il « peut être fier » de sa façon de procéder.

L’ancien avocat Mario Bilodeau avait été mandaté en avril dernier après une série d’articles des journaux de Québecor dans lesquels deux anciens employés anonymes remettaient en question la probité de l’AMF dans le cadre d’une enquête sur SNC-Lavalin menée en 2011-2012 et baptisée « Projet Faucon ».

L’enquête devait notamment s’attarder à la vente par quatre ex-dirigeants de SNC-Lavalin de volumes importants d’actions peu de temps avant que n’éclate le scandale des commissions secrètes, afin de déterminer s’il pouvait s’agir de délits d’initiés.

Selon ces anciens employés, les patrons de l’AMF freinaient le processus, qui a finalement été abandonné. L’un de ces patrons, Frédéric Pérodeau, venait tout juste d’être nommé à titre de grand responsable des enquêtes. Il avait été recruté chez SNC-Lavalin elle-même.

« Tous les angles couverts »

Seul un sommaire de l’enquête de M. Bilodeau a été rendu public. Le document entier ne peut l’être, a expliqué l’AMF, parce qu’il contient des témoignages qui font l’objet d’ordonnances de non-publication liées au procès que doit avoir SNC-Lavalin dans les prochains mois.

Ce sommaire de trois pages ne fait pas que disculper l’AMF, il l’encense.

L’Autorité a couvert tous les angles possibles de poursuite et n’a pas subi d’influence extérieure sur la façon de traiter le dossier ou pour le fermer, ni exercé de pression à l’interne auprès des enquêteurs pour les empêcher de bien accomplir leur travail ou leur nuire subtilement.

Extrait du sommaire de l’enquête de l’enquêteur indépendant Mario Bilodeau, à propos d’une enquête de l’AMF sur SNC-Lavalin menée en 2011-2012

« L’Autorité, poursuit-on, peut être fière de la manière dont tous les professionnels ont accompli leurs tâches et respecte leurs devoirs dans la réalisation de l’enquête baptisée “Projet Faucon” ».

À au moins trois occasions, le sommaire semble remettre en question la réelle connaissance du dossier des sources anonymes citées dans l’article. Du même coup, il laisse sous-entendre que ces sources ont été identifiées.

« Les allégations parues dans les journaux ne s’inscrivent dans aucune entrevue réalisée avec les véritables acteurs du Projet Faucon, ni dans les documents examinés », écrit-on notamment. On trouve aussi des références aux employés « véritablement concernés » et aux personnes qui ont « réellement travaillé au dossier ».

Par courriel, M. Bilodeau a expliqué que son rôle n’était pas d’identifier les sources journalistiques et qu’il avait seulement validé la crédibilité des témoins qu’il a lui-même interrogé.

Pas de changement

Ainsi libérée de tout blâme dans ce dossier, l’AMF n’a pas l’intention d’ajuster ses pratiques, a indiqué son porte-parole, Sylvain Théberge.

Ce que le rapport confirme, c’est que l’enquête a été bien menée et que nos pratiques sont bonnes.

Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité des marchés financiers

M. Pérodeau est toujours employé de l’AMF, où il occupe depuis janvier 2018 le poste de surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution.

L’AMF ne s’en est pas toujours aussi bien tirée. En déclarant l’avortement du procès pour délit d’initié que l’organisme intentait à l’ancien patron d’Amaya David Baazov, l’an dernier, le juge Salvatore Mascia, de la Cour du Québec, avait parlé de « laxisme » et de « manque évident de rigueur » dans la gestion documentaire de la preuve.

Le coût total de l’enquête de M. Bilodeau n’a pas encore été calculé pleinement, mais il devrait avoisiner les 660 000 $, selon un porte-parole du Conseil consultatif de régie administrative de l’AMF.